Affaire Coffin: un avocat tente de mettre la main sur des documents tenus secrets

L'auteur et avocat Clément Fortin peine à faire la pleine lumière sur l'affaire Coffin. Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ) lui refuse l'accès à 500 pages de témoignages livrés à huis clos devant une commission royale d'enquête... il y a 44 ans.

M. Fortin a publié cet automne un méticuleux ouvrage sur l'affaire Coffin dans lequel il affirme que le jury ne s'était pas trompé en envoyant Wilbert Coffin à la potence, en 1954, pour le meurtre de trois chasseurs américains en Gaspésie. Coffin, un des plus célèbres criminels canadiens, a clamé son innocence jusqu'à son dernier souffle, rendu le 10 février 1956, à la prison de Bordeaux, lors de son exécution par pendaison. Un vif débat social fait rage, encore aujourd'hui, quant au verdict rendu contre lui.

En 1964, une commission royale d'enquête présidée par le juge Roger Brossard a conclu que la preuve présentée au procès du prospecteur minier tendait à confirmer le verdict du jury, et non pas à le renverser. La commission Brossard a entendu 214 témoins avant de produire son rapport final, une brique de 52 volumes. Les transcriptions des témoignages, conservées au Centre régional d'archives de Rimouski, font à elles seules un peu plus de 16 000 pages.

Durant ses recherches, Me Fortin a voulu lire les transcriptions des audiences de la commission Brossard menées à huis clos, ce qui représente environ 500 pages. Normalement, de tels documents restent frappés du sceau du secret pendant 100 ans.

Le 10 décembre dernier, la Commission d'accès à l'information (CAI) donnait cependant gain de cause à M. Fortin. Le commissaire Jean Chartier ordonnait à BAnQ de transmettre à l'auteur le contenu des audiences à huis clos, après avoir masqué les noms et prénoms des témoins, de même que tout autre renseignement personnel.

La décision en appel

En lieu et place des documents, M. Fortin a reçu vendredi dernier un avis d'appel de BAnQ. L'avocat de BAnQ, Ghislain Roussel, allègue notamment dans sa requête que la CAI a excédé sa compétence et qu'elle n'est aucunement habilitée à lever un huis clos. La CAI aurait aussi étendu à tort, de façon rétroactive, des modalités d'accès au rapport Brossard et aux témoignages entendus dans l'affaire Coffin qui sont postérieurs à l'affaire.

Clément Fortin est stupéfait de la position de BAnQ, d'autant plus qu'il ne s'attend pas à trouver de révélations fracassantes dans les témoignages livrés à huis clos, compte tenu de ce qu'il a déjà lu «entre les lignes» dans les documents publics. «Tout ce que je tente de faire, c'est de rendre limpide à tout le monde le procès qui a été fait à M. Coffin en 1954 et la commission royale d'enquête de 1964, dit-il. En empêchant un chercheur de consulter ces documents, BAnQ prive le public d'en connaître le contenu et entretient du même souffle des doutes sur cette affaire, alors que la Commission Brossard avait pour mandat d'en faire la lumière.»

L'appel sera entendu en Cour du Québec à une date ultérieure. Par ailleurs, M. Fortin s'adressera encore à la CAI, le 5 février prochain, dans l'espoir d'obtenir 66 rapports d'enquête faits par des policiers et le procureur de la commission Brossard dans la foulée de l'affaire Coffin.

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