Ozone et climat - 191 pays devancent l’élimination des HCFC

La conférence de Montréal sur la protection de la couche d’ozone a accouché tard hier soir d’un amendement majeur au protocole de Montréal, signé il y a 20 ans, pour geler, réduire et éliminer la production d’hydroclorofluorocarbones (HCFC), ce qui accélérera la reconstitution de la mince couche protectrice de la Terre contre les rayons UVB et réduira sensiblement les émissions de gaz à effet de serre du même coup.

Cette avancée qualifiée d’«historique» par tout le monde a été saluée hier soir au Palais des congrès de Montréal par une salve d’applaudissements nourris, qui tranchait avec la réserve habituelle des centaines de délégués et diplomates venus participer à la 19e conférence des Parties au protocole de Montréal.

La Chine, le plus important producteur et utilisateur de HCFC de la planète, a du même coup fait la preuve devant la communauté internationale de sa volonté de faire progresser la lutte contre deux des plus importants problèmes environnementaux de la planète, l’amincissement de la couche d’ozone et le réchauffement du climat.
En début de semaine, la direction du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) évaluait entre 18 et 25 millions de tonnes de CO2 l’impact prévisible du devancement de l’échéancier d’élimination des HCFC, selon les scénarios choisis. Cette réduction des émissions de GES équivaut à plus de 3% du total d’origine humaine, ce qui est substantiel si on se rappelle que l’application intégrale du protocole de Kyoto doit réduire les émissions anthropiques de 5,2%.
Techniquement, la conférence a convenu d’amender formellement le protocole de Montréal pour modifier l’échéancier initial d’élimination des HCFC, dont la production devait cesser en 2040 dans les pays en développement comme la Chine et l’Inde notamment, et en 2030 dans les pays développés.
La conférence a d’abord convenu de geler en 2013 la production mondiale de CFC mais sur la base de la moyenne de la production et de la consommation en 2009 et 2010, qui deviendra l’année de référence pour les échéanciers de réduction.

Les pays développés devront dès 2010 avoir réduit leur production et leur consommation de 75% et de 90% en 2015 pour atteindre l’élimination totale en 2020. De leur côté, les pays en développement devront avoir éliminé leurs HCFC en 2030, soit 10 ans plus tôt que prévu. Mais la réduction y sera plus progressive. Ainsi, la production et la consommation devront être de 10% inférieure à l’année de référence en 2015, de 35% en 2020 et de 67,5% en 2025 pour arriver au point d’arrêt total en 2030.

D’autre part, pays développés et en développement ont convenu de trois règles majeures. D’abord et malgré les échéanciers de réduction convenus, ils se sont donnés la possibilité de maintenir une mince production pour garder en opération des appareils ou des procédés de production où les HCFC seraient difficiles à remplacer. Ils ont aussi convenu qu’en vertu du principe de la «responsabilité commune mais différenciée», les pays développés allaient fournir une aide financière substantielle aux pays en développement et en particulier aux plus petits et aux plus vulnérables pour qu’ils assument cet échéancier qui déjoue la planification convenue antérieurement.

Mais, si vous aurez à convaincre dans vos pays vos ministres des Finances de sortir leur chéquier pour alimenter le Fonds multilatéral, a expliqué en substance le chef de la délégation chinoise, nous devrons de notre côté convaincre des milliers d’entreprises de changer leur procédés de production et leur marché, forcer aussi des milliers de travailleurs à changer de gagne-pain et encore plus de clients de ces entreprises de changer d’appareils ou de technologie de réfrigération notamment.

Troisièmement, il a été convenu que le Fonds multilatéral rattaché au protocole ajouterait à ses critères financiers habituels celui de recourir à des alternatives de moindre impact pour l’environnement et en particulier pour le climat, comme l’utilisation d’ammoniac, de CO2 ou d’hydrocarbures légers (butane et propane) dans les échangeurs de chaleur des systèmes de réfrigération ou comme agents moussants.
Les HCFC ont été mis au point pour remplacer les CFC que ciblait d’abord en 1987 le protocole de Montréal. Moins dommageables que leurs prédécesseurs pour la couche d’ozone, ils ne sont toutefois pas inoffensifs sous ce rapport, ce qui a conduit plusieurs pays et multinationales à leur préférer la troisième génération de molécules réfrigérantes, les HFC.
Mais ces nouvelles molécules, qui sont inoffensives pour la couche d’ozone, sont par contre terriblement néfastes pour le climat. Beaucoup plus que les HCFC que certains écologistes commençaient presque à regretter hier. Le HFC-143a, par exemple, capte 4300 fois plus de chaleur solaire que le dioxyde de carbone. Et le HFC-23, plus de 12 000 fois, ce qui explique que le protocole de Kyoto inclut les HFC et les HCFC dans la liste des six gaz prioritaires dont il faut réduire les émissions.

Les 20 années de travail accompli sous l’empire du protocole de Montréal ont permis de stabiliser l’amincissement de la couche d’ozone et les deux grands trous qui y apparaissent à chaque printemps. Cette protection invisible contre les rayons solaires devrait avoir retrouvé son état d’avant 1980 vers 2070. Sans ces gains, 100 millions de cancers de la peau se seraient ajoutés au bilan de santé de la planète. En prime, les gains réalisés du côté du climat par l’élimination des substances appauvrissant la couche d’ozone dépassent en ampleur de cinq fois, selon l’ONU, les gains anticipés du protocole de Kyoto.

La Déclaration de Montréal
D’autre part, les pays présents à la conférence de Montréal ont ouvert hier un nouveau chapitre dans la gestion environnementale en liant l’application des différents traités, gérés jusqu’ici séparément.

La conférence a en effet adopté une déclaration pour marquer ce tournant. La Déclaration de Montréal, inspirée par le 20e anniversaire du protocole, souligne la nécessité de gérer chaque traité en optimisant ses retombées dans les autres sphères de la gestion environnementale, ce que fait précisément le devancement de l’élimination des HCFC.

La déclaration reconnaît en effet «l’importance d’accélérer la reconstitution de la couche d’ozone en contribuant notamment à la solution d’autres enjeux environnementaux, notamment les changements climatiques». Et elle précise que les gestionnaires du traité sur la couche d’ozone doivent coopérer avec les autres organismes axés sur des objectifs sociaux et environnementaux.

La Déclaration de Montréal présente subtilement le protocole de 1987 comme un modèle à imiter. On y souligne que ses succès sont dus à la définition d’objectifs «démontrables, mesurables, ambitieux mais pragmatiques», définis à la lumière de la meilleure science disponible et appliqués solidairement par l’ensemble de la communauté internationale. À l’évidence, ce sont les accrocs à ses règles qui handicapent la lutte aux changements climatiques, une lutte où les États-Unis, l’Australie et le Canada se sont désolidarisés du reste de la communauté internationales, ce qui nuit au ralliement des grands pays émergents et des pays en développement.

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