Zaccardelli rend les armes

Ottawa — Le commissaire de la GRC, Giuliano Zaccardelli, a finalement démissionné hier devant la controverse qui n'a cessé de gagner de l'ampleur à la suite de ses témoignages contradictoires. Il a finalement présenté la démission qu'il se refusait pourtant à envisager la veille encore après 36 années passées au sein de la police fédérale.

«C'est avec beaucoup de regret et de tristesse que, par la présente, je démissionne du poste de commissaire de la Gendarmerie royale du Canada», écrit M. Zaccardelli dans une lettre adressée hier au premier ministre Stephen Harper. «Il est clair que la GRC et moi-même dépendons de la confiance des Canadiens et des représentants élus. Sans cette confiance, nous ne pouvons pas réussir.»

M. Zaccardelli ne part pas immédiatement. Il sortira de piste le 15 décembre. Ce sera donc lui qui devra répondre au second rapport de la commission d'enquête sur Maher Arar. Ce rapport, qui sera dévoilé mardi, suggérera au gouvernement la création d'un mécanisme d'examen indépendant des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

Dans sa lettre, le commissaire ne reconnaît pas avoir failli à ses responsabilités dans la gestion du dossier de Maher Arar, ce Canadien expulsé vers les cachots syriens, où il a été torturé. Il conclut plutôt que ses témoignages divergents en comité parlementaire ont suscité une controverse malsaine pour l'image de l'institution qu'il dirige.

«Les événements qui ont suivi la publication du rapport du juge Dennis R. O'Connor concernant l'affaire Maher Arar ont pris des proportions inattendues. Je dois assumer le fait d'avoir participer [sic] à la confusion lors de mon premier témoignage devant le comité parlementaire. Récemment, j'ai tenté de faire le point et de corriger certaines perceptions erronées que j'avais contribué à créer, mais cela n'a fait qu'engendrer une nouvelle controverse.»

Dans sa lettre de réponse, le premier ministre Harper a salué son «désir d'agir dans l'intérêt de cette grande organisation» et l'a remercié «des services [qu'il a] rendus à notre pays». M. Zaccardelli fera une déclaration publique aujourd'hui alors que Maher Arar tiendra une conférence de presse demain.

Il y a deux mois, M. Zaccardelli avait affirmé en comité parlementaire avoir acquis dès l'automne 2002 la conviction que M. Arar avait été étiqueté à tort par ses policiers comme un «extrémiste terroriste». Il avait alors provoqué la colère des députés, qui s'étaient demandé pourquoi, dans ce cas, il n'avait pas informé ses maîtres politiques et tenté de faire libérer un innocent. Par la suite, M. Zaccardelli a changé sa version des faits. En fonction de cette nouvelle version, ce n'est qu'à la lecture du rapport de la commission d'enquête, déposé cet automne, qu'il a appris que M. Arar avait été catalogué comme un terroriste par la GRC. Les députés ne l'ont pas cru.

Tous se réjouissaient de cette démission hier mais se demandaient comment, en ce cas, le gouvernement de Stephen Harper avait pu garder aussi longtemps confiance en cet homme. «Le ministre expliquera-t-il enfin pourquoi il a attendu plus d'un mois pour commenter le changement de version du commissaire?», a lancé le libéral Michael Ignatieff à la Chambre des communes.

C'est que dès le 2 novembre dernier, soit quelques jours après sa première comparution, M. Zaccardelli avait demandé par écrit aux députés siégeant à ce comité de témoigner de nouveau devant eux afin de «clarifier» certains passages de son témoignage. Dans cette lettre, il modifiait plusieurs de ses affirmations. L'opposition croit aujourd'hui que le gouvernement aurait dû conclure à ce moment qu'il n'avait pas la situation en main.

Le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, a répliqué qu'au moins, les conservateurs avaient fait quelque chose. «La question est plutôt de savoir pourquoi les membres du précédent gouvernement ont mis tant de temps à s'intéresser à l'affaire Maher Arar alors qu'il était clair qu'il y avait un problème. Les ministres de l'époque n'ont posé aucune question à la GRC. Ils ont laissé les choses aller. Nous avons agi. Pas eux.»

Le calvaire de Maher Arar est survenu alors que les libéraux étaient au pouvoir. Les ministres de l'époque refusaient d'offrir quelque détail que ce soit sur ce cas délicat. Il a fallu l'arrivée de Paul Martin au pouvoir, soit deux ans après l'expulsion de M. Arar vers la Syrie, pour qu'une commission d'enquête soit créée et que la lumière soit faite.

Un successeur intérimaire sera nommé sous peu. Proviendra-t-il de l'extérieur de la GRC? Impossible de le savoir pour l'instant. Les libéraux croient qu'il ne devrait pas, à tout le moins, provenir des rangs de la haute direction, elle aussi impliquée dans le dossier Arar.

La GRC aura été le seul et unique employeur de Giuliano Zaccardelli, âgé de 59 ans. Né à Prezza, en Italie, il est arrivé au Canada à l'âge de sept ans. Il grandit à Montréal, principalement dans le quartier Saint-Léonard. Il étudie au collège Loyola (devenu l'université Concordia) et obtient son diplôme en 1970. La même année, il entre à la GRC et accède en 2000 au plus haut des échelons en devenant le vingtième commissaire de l'histoire de la GRC.

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