Le souvenir de Polytechnique et de Dawson

La commémoration annuelle de la tragédie de Polytechnique est devenue une tribune pour que des femmes se prononcent contre toutes les formes de violence.
Photo: La commémoration annuelle de la tragédie de Polytechnique est devenue une tribune pour que des femmes se prononcent contre toutes les formes de violence.

Dix-sept ans après le 6 décembre 1989, les détails s'atténuent dans les mémoires, mais le Québec continue de se souvenir. Cette année, la commémoration de la tuerie à Polytechnique revêtait un caractère particulier, après la fusillade de cet automne au collège Dawson, qui a fait un mort et 19 blessés. Au moment du drame, le 13 septembre dernier, plusieurs ont craint que le cauchemar de Poly ne se reproduise. Ce fut le cas de Sylvie Haviernick, la soeur de Maud tuée sous les balles de Marc Lépine.

«Je connais la douleur que ça laisse à ceux qui restent, a dit Mme Haviernick, en confiant s'être ressaisie assez vite. Après, je me suis dit qu'il fallait qu'on arrête d'avoir peur, c'est de l'énergie gaspillée. Il faut se pencher sur l'avenir et les solutions.» Même si le Québec a fait de grands pas pour tenter d'éradiquer le fléau de la violence envers les femmes, la fusillade du 13 septembre dernier au collège Dawson a ravivé la colère et l'incompréhension. «Ça nous a fait comprendre que nos acquis sont fragiles, a-t-elle laissé entendre avec beaucoup de sérénité dans la voix. Les gens veulent maintenant comprendre pourquoi.»

Pour elle, même si les deux tragédies ont des caractères différents, le lien est facile à faire. «Les motivations de l'assassin n'étaient pas les mêmes, mais la manière de procéder est récurrente. Va-t-on rester apathique alors qu'il y a des moyens d'arrêter ça?», a demandé celle qui s'est impliquée depuis plusieurs années dans la fondation des victimes du 6 décembre.

Cette année, la mère de la jeune victime au collège Dawson, Anastasia De Sousa, s'est jointe au rassemblement. «Ça m'a touchée qu'on ait rajouté le nom de ma fille même si ce n'était pas dans les mêmes circonstances», a dit Louise De Sousa. Pour elle, le combat contre l'abolition du registre des armes à feu était le même.

La parole aux autochtones

Dans le monde, on estime qu'au moins une femme sur trois subira de graves violences au cours de sa vie; environ 70 % des femmes victimes d'homicide ont été tuées par leur compagnon, d'après l'Organisation mondiale de la santé. Au Canada, depuis que le 6 décembre est devenu, en 1991, la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, la commémoration annuelle de la tragédie de Polytechnique est devenue une tribune pour que des femmes se prononcent contre la violence tous azimuts. Cette année, la parole a été particulièrement donnée aux femmes autochtones. «La situation est si grave qu'elle est banalisée», a lancé Caroline Nepton Hotte, responsable des communications à Femmes autochtones du Québec. Quelque 80 % des femmes autochtones ont été victimes de violence par le passé et elles seraient cinq fois plus à risque de mourir d'une mort violente que les autres femmes.

La coordonnatrice de la promotion à la non-violence et des maisons d'hébergement autochtones, France Robertson, déplore le fait que, malgré les subventions versées par le ministère des Affaires indiennes, les centres d'hébergement pour femmes autochtones violentées situés dans les réserves au Québec reçoivent des centaines de milliers de dollars de moins que les autres centres ailleurs au Québec. «Les maisons d'hébergement font plus que venir en aide aux femmes victimes de violence, elles font de la gestion de crise, apportent de l'aide au suicide, de l'accompagnement post-hébergement, c'est tout ça à la fois», a-t-elle noté.

La présidente de la Fédération des femmes du Québec, Michèle Asselin, croit qu'il y a toujours de la sensibilisation à faire malgré les progrès. Avec une pièce de théâtre sur le sujet et même un film qui sortira prochainement, le 6 décembre n'est pas près d'être effacé de notre mémoire collective. «C'est nécessaire de continuer à en parler pour changer les mentalités. On a besoin de commémorer», a-t-elle insisté.

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