L'espion russe dévoile son identité au juge, mais demande le secret

L'homme soupçonné par le renseignement canadien d'être un espion à la solde de Moscou doit être expulsé en Russie, a ordonné hier le juge Pierre Blais, de la Cour fédérale, à Montréal.
Hier, celui qui se fait appeler «Paul William Hampel» a décliné sa véritable identité et sa nationalité russe — alors qu'il avait soutenu depuis son arrestation être Canadien. À la suite de cet aveu, il devrait être expulsé dans quelques jours.Hampel a révélé sa véritable identité au juge après avoir obtenu l'assurance qu'elle ne serait pas révélée. L'homme a ensuite renoncé à son droit à un procès.
Le juge Blais a accepté — ce qui est fort inhabituel — de taire la véritable identité du présumé espion, pour ne pas compromettre la sécurité de sa famille.
Les avocats dans cette affaire et le juge Blais ont toutefois refusé de dire pourquoi l'homme craint pour sa sécurité et celle de sa famille.
«Il a hâte de rentrer chez lui, a dit Claude Whalen, un de ses avocats. C'est tout ce que je peux dire. Il a très hâte de rentrer.»
Le gouvernement canadien et le présumé espion auront toutefois besoin de la collaboration de l'ambassade russe pour permettre à Hampel de regagner la Russie. L'ambassade a toujours nié savoir quoi que ce soit à propos de cet homme.
Hampel serait membre de l'agence d'espionnage Sluzhba Vneshney Razvedki, qui a succédé au célèbre et redoutable KGB, soutient le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans des documents présentés au juge Blais.
L'homme avait été arrêté le 14 novembre dernier à l'aéroport Montréal-Trudeau. Il était alors en possession d'un faux certificat de naissance ontarien, d'un passeport canadien et de l'équivalent de 7800 $ en cinq devises différentes.
Selon le SCRS, Hampel, qui vivrait au Canada depuis plus de 10 ans, représente une menace à la sécurité nationale.
Selon les lois sur l'immigration, l'homme aurait pu exiger de demeurer au pays si sa vie était en danger.
Chris Mathers, un consultant en sécurité et ancien officier de la GRC, estime que cet homme ne court aucun risque en Russie en tant qu'espion ayant détruit sa couverture.
«Ce n'est plus la Russie de la Guerre froide, où les agents ayant échoué étaient exécutés ou envoyés dans un quelconque goulag, a dit M. Mathers. Si c'est un agent qui a suivi un entraînement spécifique, il sera affecté à des travaux ennuyeux. S'il s'agit d'une personne provenant de l'extérieur des services secrets qui collaborait de façon ponctuelle avec eux, ils vont tout simplement couper tout lien avec lui.»
Selon M. Mathers, si cet homme était un espion, il ne devait qu'amasser de l'information, des devis techniques et prendre des photos.
M. Mathers croit que la carrière d'espion de Hampel est terminée et qu'on ne le reverra pas ressurgir sous une autre identité ailleurs dans le monde.
«L'échec n'est pas récompensé, ajoute M. Mathers. C'est terminé pour lui.»