Une coalition demande une commission parlementaire sur l'itinérance

Dan Bigras
Photo: Jacques Grenier Dan Bigras

La première neige accueillie avec joie par les enfants amorce une période difficile pour les sans-abri. Une Coalition a été mise sur pied pour réclamer la tenue d'une première commission parlementaire sur l'itinérance, un phénomène qui prend de l'ampleur ces dernières années.

Devant la croissance du nombre de sans-abri, le sous-financement des organismes qui leur viennent en aide et l'incohérence des actions des différentes autorités publiques, une coalition formée d'intervenants, de députés péquistes et du chanteur Dan Bigras réclame la tenue d'une commission parlementaire. La coalition estime qu'une commission parlementaire pourrait ouvrir la voie à un plan d'action concerté des différents ministères pour venir en aide plus efficacement aux sans-abri.

Afin d'illustrer l'incohérence gouvernementale, le chanteur Dan Bigras, qui tient à bout de bras le Show du Refuge des jeunes depuis 15 ans, a donné l'exemple d'un jeune battu, agressé sexuellement, qui s'est retrouvé à la rue quand la DPJ l'a «sacré dehors» à 18 ans. «Harcelé» par les policiers qui lui dressent des contraventions, on le met «dehors de dehors».

Au moment où il se reprend en main, avec l'aide du Refuge des jeunes, le système le rattrape. «Il a une adresse, il est retraçable, tous les tickets qu'on lui a donnés pour des motifs ridicules sont transformés en mandats. Au moment où il allait bien, où il a réussi à se récupérer une vie, on le sacre à Bordeaux», illustre le chanteur.

Fort de son expérience auprès des jeunes de la rue, Dan Bigras, dénonce aussi le fonctionnement du système de santé, qui renvoie dans les ressources communautaires des jeunes envoyés pour des problèmes de santé mentale, sous prétexte qu'ils ont un problème de toxicomanie. «Tout le monde se renvoie la balle. Quand on essaie de les faire soigner, on se les fait renvoyer systématiquement», dénonce M. Bigras, qui organise mercredi soir prochain le spectacle-bénéfice annuel du Refuge des jeunes.

Les députés péquistes montréalais Martin Lemay et Nicolas Girard ont demandé le mois dernier la tenue d'une commission parlementaire sur l'itinérance pour insuffler un peu de cohérence dans l'action gouvernementale. «Tout est éparpillé. On a l'impression qu'on travaille en silo», fait valoir le député de Gouin, Nicolas Girard. Au cabinet de la ministre responsable des services sociaux, Margaret Delisle, on précise que la demande est toujours à l'étude.

Croissance de l'itinérance
Les intervenants en itinérance constatent une croissance importante du nombre de personnes qui vivent dans la rue. On estime le nombre de sans-abri à Montréal à environ 30 000, bien qu'aucune étude sérieuse n'ait été réalisée depuis 1998. Les principaux refuges montréalais ont noté cet automne une croissance de leur taux d'occupation de 10 % à 20 %, «avant même la période des grands froids», précise le coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Pierre Gaudreau.

Le nouveau règlement de l'arrondissement Ville-Marie qui interdit de se trouver dans les places publiques entre minuit et 6 heures fait craindre le pire pour les prochains mois, alors que les groupes communautaires peinent à atteindre les personnes sans abri. «Il va y avoir des morts. L'hiver va être épouvantable», craint Dan Bigras.

Le travail des groupes communautaires pourrait se compliquer davantage au cours des prochains mois. L'avenir du programme fédéral Initiative de partenariats en action communautaire (IPAC), qui arrive à échéance en mars prochain, est en effet incertain. Le gouvernement conservateur a refusé de s'engager à reconduire le programme dont dépendent environ 200 emplois d'intervenants (dont 80 à Montréal). «On risque d'être en rupture de service au mois de mars», note M. Gaudreau.

Il souhaiterait que Québec assume lui aussi davantage ses responsabilités pour mieux soutenir les sans-abri. Le coordonnateur du RAPSIM note par exemple que Québec subventionne la construction de logements sociaux pour aider à réinsérer les sans-abri, mais rechigne à financer les ressources sociales pour les accompagner.

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