Environnement - Des manifestants dénoncent les SLAPP
Environ 150 personnes ont marché hier au centre-ville de Montréal pour dénoncer le recours aux Strategic lawsuits against public participation (SLAPP) par certaines entreprises afin de faire taire les citoyens qui souhaiteraient dénoncer des agissements dommageables pour l'environnement, et ce, même si les accusations sont fondées.
La manifestation a été organisée à l'appel du Mouvement de solidarité avec l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et le Comité de restauration de la rivière Etchemin. Ces deux organisations de défense de l'environnement sont confrontées depuis juillet 2005 à une SLAPP, que l'on appelle en français une poursuite stratégique contre la mobilisation populaire, de plus de cinq millions de dollars. Cette poursuite a été entreprise par la compagnie québécoise American Iron & Metal.Pour Daniel Breton, directeur de l'AQLPA, «cette tactique n'a que deux conséquences possibles: elle peut soit vous faire taire, soit vous ruiner». Selon lui, ce genre de poursuites, qui existe notamment aux États-Unis, représente carrément «le début de la fin de la démocratie». Le président de l'organisme, André Bélisle, estime d'ailleurs que les entreprises tentent ainsi de «bâillonner la liberté d'expression et le droit de la population de participer au débat public».
«À partir du moment où les gouvernements laissent les entreprises faire ce genre de poursuites, vous aurez à avoir peur de parler de quoi que ce soit dans les médias, ajoute-t-il. On a visé l'AQLPA parce qu'on est assez actifs en se disant que si on arrive à faire taire l'AQLPA, on va réussir à faire peur aux autres.»
«Il faut que le gouvernement arrête de jouer un double jeu, affirme aussi M. Bélisle. Le ministère de l'Environnement doit appliquer la réglementation pour protéger l'environnement, alors que, à l'heure actuelle, il ne l'applique pas pour ne pas nuire au développement économique. Ça n'a pas de bon sens parce que les dommages qu'on fait à l'environnement coûtent aussi très cher financièrement. Nous sommes doublement perdants.»
Un geste attendu
Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Claude Béchard, a déjà dit au Devoir, à la mi-novembre, qu'il n'hésiterait pas à légiférer pour empêcher que ces épreuves de force disproportionnées contre de simples citoyens ou des groupes fort démunis ne se multiplient au Québec aux dépens de la liberté qui doit caractériser les débats publics. Les membres de l'AQLPA, pris dans ce genre de recours, attendent toujours un geste de la part du ministre. En attendant, les écologistes entendent poursuivre leur campagne de dénonciation des SLAPP.
Lui-même pris dans ce genre de procédure, André Bélisle estime toutefois que la Cour supérieure du Québec a envoyé un signal positif la semaine dernière. Elle a en effet rejeté la demande d'injonction déposée par l'administration portuaire de Québec à la mi-novembre pour interdire à toute personne de faire des commentaires sur les possibles impacts négatifs de l'implantation du projet Rabaska. En clair, selon le juge Michel Caron, «le projet de port méthanier dans la région de Québec fait l'objet d'un débat public, lequel sera porté bientôt devant le Bureau des audiences publiques en environnement. Les arguments, qu'ils soient positifs ou négatifs, sont du domaine public». Il a également souligné que le droit de parole des opposants au projet de port méthanier est enchâssé dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.