Visite de Benoît XVI - Le pape dit au revoir à la Turquie en français

Istanbul — Le pape Benoît XVI a mis hier un terme à son voyage de quatre jours en terre d'islam. Mais, même après le départ du pape, la population était toujours sous le choc de cette prière «à la musulmane», les mains sur le ventre, faite la veille dans la grande Mosquée bleue aux côtés du grand mufti d'Istanbul.
La photo faisait la une de la presse turque, qui y voyait un «geste historique de paix», trois mois après la polémique déclenchée par le discours de Ratisbonne dans lequel une citation associait l'islam à la violence. La prière de Benoît XVI «est encore plus significative qu'une excuse», a souligné le mufti d'Istanbul Mustafa Cagrici, cité dans le quotidien Sabah. Le mufti a aussi expliqué que cette prière commune avait été discutée à l'avance avec les responsables du protocole.Benoît XVI a par ailleurs achevé son voyage en disant une dernière messe, en français cette fois, dans la petite cathédrale du Saint-Esprit, sur les hauteurs du quartier de Taksim. Le français aura d'ailleurs été très présent tout au long de ce voyage, notamment lors de l'adresse du pape au corps diplomatique. Si le français dominait, la messe mélangeait les rites syriaques, arméniens, orthodoxes et romains. Le choeur chantait quant à lui en chaldéen.
Les 300 fidèles entassés dans la petite église représentaient toute la diversité de la minuscule communauté chrétienne de Turquie. Il y avait beaucoup d'étrangers. Les catholiques d'Istanbul sont en bonne partie des étrangers de passage.
Accueilli un peu plus tôt par des enfants dans la petite cour où s'élève une statue de Jean XXIII, le pape avait lancé quelques colombes en signe de paix. Il a ensuite béni la statue de celui qui a vécu dix ans à Istanbul entre 1935 et 1944 alors qu'il n'était que le délégué apostolique Guiseppe Roncalli.
«Vous savez fort bien que l'Église ne souhaite rien imposer à quiconque, et qu'elle demande plutôt de vivre en liberté», a déclaré le Saint-Père. Le patriarche Bartholomé Ier, chef spirituel des millions de chrétiens orthodoxes, assistait à l'office. «Vos communautés prennent l'humble chemin de la vie quotidienne avec ceux qui ne partagent pas votre foi», a indiqué le pape devant une foule visiblement impressionnée par la solennité du moment.
Le pape s'est ensuite éclipsé par une porte de derrière. Pour des raisons de sécurité, les trajets du pape ne sont jamais annoncés à l'avance. À l'aéroport, une discussion à bâtons rompus s'est déroulée avec les représentants de la ville, dont le maire Muammer Guler. Le pape a remercié de son accueil le gouvernement et «la population, qui a peut-être un peu souffert de ma présence».
Les responsables turcs ont plusieurs fois répété combien cette visite avait «éclairci beaucoup de choses» sur ce que le pape pensait de l'islam. «J'ai voulu par ma présence donner un signe de dialogue», a répondu Benoît XVI, visiblement très détendu, avant d'avaler une gorgée de thé. Le pape a aussi loué la beauté d'Istanbul, «cette ville profondément européenne» où il dit laisser une partie de son coeur. Les responsables ont remercié le pape de son soutien à l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne. «Votre visite a eu un sens important pour le dialogue entre les religions», a déclaré le vice-maire de la ville.
Les autorités turques ont cependant expliqué qu'il n'était pas question de reconnaître le rôle oecuménique international que joue le patriarcat orthodoxe. La veille, le pape avait rappelé que la liberté religieuse était une des conditions d'accession de la Turquie à l'Union européenne. En janvier, le patriarche devrait s'adresser au Parlement européen à ce sujet.
Arrivé sur les ailes d'Air Italia, le pape est reparti sur celles de Turkish Airlines, comme le veut la tradition. Il s'agissait du cinquième voyage de Benoît XVI, mais de son premier en terre d'islam. En mai 2007, le pape se rendra au Brésil. On évoque aussi la possibilité d'un voyage en Slovaquie.
Correspondant du Devoir à Paris