Muhammad Yunus, fondateur de la Banque Grameen - Son combat contre la pauvreté lui vaut le Nobel de la paix

Cette paysanne productrice de riz est une des millions de pauvres à travers le monde qui ont pu obtenir des prêts de la Banque Grameen, fondée en 1976 par le Bangladais Muhammad Yunus, qui vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix mais qui a
Photo: Agence Reuters Cette paysanne productrice de riz est une des millions de pauvres à travers le monde qui ont pu obtenir des prêts de la Banque Grameen, fondée en 1976 par le Bangladais Muhammad Yunus, qui vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix mais qui a

Double surprise hier à Oslo, alors que le prix Nobel de la paix a été décerné conjointement à un banquier, Mohammed Yunus, et à la banque qu'il a fondée en 1976, la Grameen Bank en y injectant un capital personnel de 27 $, qui depuis s'est multiplié pour atteindre 5,7 milliards en prêts de microcrédit destinés à 6,61 millions de clients, dont 96 % sont des femmes. La deuxième surprise est venue de Lech Walesa, prix Nobel de la paix en 1983, qui a posé la question suivante: pourquoi pas leur décerner un prix Nobel d'économie?

Le comité chargé de décerner les prix Nobel a expliqué son choix ainsi: «Une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la population ne trouve les moyens de sortir de la pauvreté. Le microcrédit est l'un de ces moyens. Le développement à la base sert également à faire progresser la démocratie et les droits humains. Mohammed Yunus a su montrer qu'il était un leader capable de transformer les visions en actes concrets pour le bénéfice de millions de personnes, pas seulement au Bangladesh mais aussi dans de nombreux autres pays».

En fait, le modèle inventé par M. Yunus s'est propagé partout sur la planète, notamment dans plus de 40 pays pauvres, mais aussi dans les pays développés par le truchement des organisations non gouvernementales, des institutions internationales comme l'ONU et la Banque mondiale, ainsi par des institutions financières se consacrant à l'aide aux pays pauvres, comme par exemple Développement International Desjardins, qui oeuvre dans une trentaine de pays. Hier, le secrétaire-général de l'ONU Kofi Annan s'est dit ravi de la récompense donnée à M. Yunus et à sa banque, «alliés de longue date des Nations Unies pour la cause du développement et de l'autonomisation des femmes».

Un exemple. Mama Bintou vend des fruits dans un petit marché de Sanankoroba au Mali. Son mari étant en chômage depuis cinq ans, elle a décidé, il y a trois ans, d'ouvrir un compte d'épargne en y mettant l'équivalent de 2,13 $ CAN, une somme qu'elle a pu fournir en vendant l'un de ses deux poulets. Un mois plus tard, elle obtenait un crédit de 108 $, un montant suffisant pour devenir vendeuse de fruits au marché.

Comment le microcrédit a-t-il commencé? Diplômé de l'université Vanderbilt au Tennessee, M. Yunus fut ensuite professeur dans les années 60 aux États-Unis. En 1974, il est retourné dans son pays natal, le Bangladesh, où sévissait une grave famine. En 1976, il décidait de fonder une petite banque Grameen Bank (banque de village) pour offrir un accès au crédit aux plus pauvres, en particulier les paysans sans terre, à qui aucune institution financière établie ne voulait accorder de prêts. Il a pu alors constater que, en prêtant des sommes modiques à ces personnes, il parvenait à les libérer du joug de leurs usuriers et, mieux encore, que tous arrivaient à le rembourser en travaillant. Avec le microcrédit, ces paysans peuvent acheter des équipements et atteindre un réel niveau d'autonomie. Aujourd'hui, la contribution de la Grameen Bank au PIB du Bangladesh est d'environ 1 %, et le taux de recouvrement de ses prêts dépasse 98 %, c'est-à-dire qu'il est plus élevé que celui du monde bancaire conventionnel.

La politique économique et sociale de M. Yunus a permis la construction d'habitations et d'écoles, et la mise en place de nombreux services de communications. «Ce n'est pas l'argent qui sauve mais la confiance, la solidarité et la fraternité», déclarait-il récemment. Et d'ajouter hier, après avoir reçu le prix Nobel de la paix: «Je suis ravi, vraiment ravi. Vous soutenez un rêve pour former un monde débarrassé de la pauvreté. C'est une nouvelle fantastique, pas seulement pour moi, mais aussi pour des millions de personnes dans le monde qui ont bénéficié du microcrédit. Ils vont être si heureux d'entendre ça. Ça va injecter plein d'énergie dans l'ensemble du mouvement.»

Avec le prix Nobel vient un montant en argent de 1,4 million $US. M. Yunus entend injecter cette somme dans un projet préparé conjointement avec Danone pour construire une usine de yogourts au Bangladesh, «afin que les pauvres puissent consommer des aliments hautement nutritifs à un prix abordable», a déclaré M. Yunus à son domicile de Dacca. Né en 1940 à Chittagong, dans le sud du pays, Mohammed Yunus est le troisième enfant d'une famille aisée de 14 enfants, dont cinq sont morts en bas âge. Il est marié et père d'un enfant.

Avec la collaboration d'AFP

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