Premier pas vers la réhabilitation de Wilbert Coffin?

Plus de 50 ans après la pendaison de Wilbert Coffin à la prison de Bordeaux, le ministère fédéral de la Justice a accepté de rouvrir le dossier de cet homme, condamné à l'époque pour le meurtre de trois chasseurs américains retrouvés morts en Gaspésie en juillet 1953.

C'est la première fois que le Groupe de révision des condamnations criminelles (GRCC) se penche sur le cas d'une personne décédée. Il étudiera notamment les transcriptions du procès tenu à l'époque, en plus de celles de la Commission royale d'enquête qui a suivi, en 1964. Il devra en outre établir si des faits utiles auraient été négligés dans les années 50. Une tâche difficile puisque plusieurs éléments de preuve ont été détruits quelques jours après la pendaison de M. Coffin, en février 1956.

D'ici quelques mois, le Groupe recommandera au ministère de la Justice soit de rejeter la demande, soit de la référer à la Cour d'appel, soit encore d'ordonner un nouveau procès. Cette demande de révision est toutefois insuffisante pour conclure que M. Coffin a subi un procès injuste, a-t-on précisé hier au ministère.

Première victoire

Cette réouverture des archives judiciaires représente déjà une victoire pour ceux qui se battent depuis plusieurs années pour faire innocenter M. Coffin, surtout des membres de sa famille, mais aussi le député bloquiste Raynald Blais. Ils ont d'ailleurs déposé récemment deux pétitions de 1200 signatures à la Chambre des communes à Ottawa afin de demander que le cas soit étudié de nouveau.

Selon eux, Wilbert Coffin a été un bouc émissaire dans cette histoire. Le premier ministre de l'époque, Maurice Duplessis, aurait été pressé de trouver un coupable afin que l'industrie touristique gaspésienne ne perde pas les précieux revenus engendrés par les touristes américains. Son avocat, Me Raymond Maher, entretenait aussi des liens étroits avec le premier ministre. Il n'avait pas présenté de témoins, pas même M. Coffin lui-même. L'accusé a été reconnu coupable et a été condamné à la pendaison le 5 août 1954.

À l'époque, le Gaspésien avait clamé son innocence jusqu'en Cour suprême, sans succès. «La preuve formulée contre moi à mon procès était exclusivement circonstancielle et fondée surtout sur le fait que j'ai été en possession de ce que la Couronne prétend être une importante somme d'argent et d'articles divers ayant appartenu au jeune [Richard] Lindsay et à ses compagnons», témoignait d'ailleurs Wilbert Coffin depuis la prison de Bordeaux, en octobre 1955.

M. Blais, député bloquiste de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, se réjouit de l'«ouverture» dont témoigne maintenant le ministère de la Justice. Selon lui, ce développement permet d'espérer que la bataille menée depuis des décennies débouchera sur la «réhabilitation de la mémoire» de Wilbert Coffin, une affaire qui «a marqué l'imaginaire des gens de la Gaspésie mais aussi l'histoire juridique du pays».

Le ministre fédéral de la Justice, Vic Toews, avait déjà répondu à la première pétition de la famille. Ce dernier estimait alors qu'une requête pour examiner le cas de M. Coffin avait déjà été présentée en 1998 et qu'aucun nouvel élément ne permettait de croire qu'une autre personne pourrait avoir commis les meurtres. Marie Stewart, la soeur de M. Coffin, rencontrera des représentants du ministère de la Justice à Ottawa mercredi prochain.

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