Des factures d'électricité salées pour les églises

Avant même l’arrivée de l’hiver, plusieurs églises commencent à mesurer l’étendue du gouffre financier dans lequel les a plongées Hydro-Québec.
Photo: Avant même l’arrivée de l’hiver, plusieurs églises commencent à mesurer l’étendue du gouffre financier dans lequel les a plongées Hydro-Québec.

En dépit de l'aide technique offerte conjointement par Hydro-Québec et l'Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), plusieurs églises n'arrivent pas à revoir leur consommation d'énergie à la baisse de manière à compenser l'abolition de leur tarif préférentiel survenu en avril dernier. Au point que le Mouvement sauvons nos églises invite les églises touchées à protester en boycottant le nouveau tarif, et ce, dès le mois prochain.

Alors que l'hiver n'est pas encore arrivé, plusieurs églises commencent déjà à mesurer l'étendue du gouffre financier dans lequel les a plongées Hydro-Québec en abolissant son tarif bi-énergie BT. Au total, ce sont 438 églises qui ont vu leur facture changer, dans la plupart des cas pour le pire. «Ça va du double au quadruple, explique Denis Beaudin, porte-parole du mouvement. Juste à East Angus, on a une église qui a vu son tarif passer de 17 000 à 49 000 $.»

Selon le mouvement né en Estrie, cette mesure pourrait conduire à la fermeture de plusieurs églises un peu partout sur le territoire québécois. Ses membres demandent donc à Hydro-Québec de faire marche arrière en rétablissant le tarif préférentiel pour les églises qui en profitaient et d'étendre ce nouveau tarif aux 1500 autres qui n'en bénéficiaient pas.

Depuis avril dernier, le mouvement a multiplié les actions, distribuant des tracts et réclamant l'aide des politiciens, au premier chef celle du premier ministre Jean Charest. Mais leurs démarches sont restées lettre morte. Dans une lettre ouverte, le mouvement explique qu'il n'a aujourd'hui plus d'autre choix que de refuser d'assumer les coûts supplémentaires. «À compter du 1er novembre, nous recommandons [...] de payer le tarif correspondant à l'année 2005», année où le tarif BT était en vigueur.

Comme l'y autorise la Régie de l'énergie, Hydro-Québec a aboli le tarif BT dans le but d'aligner le prix que paie la clientèle commerciale, institutionnelle et industrielle sur le coût réel de l'approvisionnement en électricité. «Aujourd'hui, nous ne sommes plus en situation de surplus, et c'est même la situation contraire. Ce tarif n'a plus sa raison d'être», écrivait la société d'État dans un document daté d'avril dernier.

Au Québec, le chauffage représente près de 85 % de l'énergie consommée par les églises. Cette réalité n'échappe pas à Hydro-Québec qui a produit — de concert avec l'AECQ — un document technique pour guider les autorités religieuses dans leur nouvelle gestion énergétique. Entre le 26 octobre et le 24 novembre 2005, près des deux tiers des fabriques ont été rencontrées.

Le suivi a été confié aux différents diocèses qui assurent toujours une aide technique et logistique. Mais c'est trop peu et trop tard, estime M. Beaudin. «À Saint-Anne-de-la-Rochelle, ces gens-là ont dit au curé Noël de ne garder que deux de ses cinq unités de chauffage pour baisser ses coûts, ça n'a aucun sens.»

Jusqu'à maintenant, l'AECQ n'a pas pris part à la démarche entreprise par le mouvement, d'abord par souci d'équité avec les autres institutions qui ne bénéficient plus de ce tarif — il s'agit notamment d'écoles, d'hôpitaux ou de centres communautaires. «Je ne me sens pas à l'aise de demander un privilège auquel les autres institutions, qui auparavant en bénéficiaient, n'auraient pas droit», explique Germain Tremblay, adjoint au secrétaire général pour les questions de législation et d'administration.

L'AECQ est également consciente que le tarif BT date d'une époque, aujourd'hui révolue, où Hydro-Québec avait des surplus d'énergie. «Nous ne serions pas de bons citoyens corporatifs si nous demandions qu'une société d'État continue de vendre un produit à perte pendant qu'elle fait des profits avec les autres», estime M. Tremblay.

Le Mouvement sauvons nos églises croit toutefois que le soutien technique ne suffit pas dans la mesure où les églises du Québec doivent compter chaque sou. «C'est un dossier qui presse, on arrive à l'hiver, il faut qu'il y ait une décision», conclut Denis Beaudin.

À voir en vidéo