Le Nobel de la paix à Jimmy Carter - Un pied de nez à l'administration Bush
Oslo - L'attribution du prix Nobel de la paix 2002 à l'ancien président américain Jimmy Carter récompense ses efforts en faveur d'une résolution pacifique des conflits mais constitue aussi une «critique» de la politique irakienne des États-Unis et des pays qui les soutiennent.
Le Comité Nobel norvégien a distingué hier M. Carter, président démocrate des États-Unis entre 1977 et 1981, notamment pour son rôle décisif dans les accords de paix de Camp David entre Israël et l'Égypte.L'attribution du prix à M. Carter, 78 ans, «peut et doit aussi être interprétée comme une critique de la politique de l'administration actuellement au pouvoir aux États-Unis vis-à-vis de l'Irak», a déclaré Gunnar Berge, président du Comité Nobel, à la question d'un journaliste.
Elle constitue en outre une critique «à tous les pays qui ont adopté la même position» que les États-Unis, a-t-il dit en réponse à une autre question.
La distinction de M. Carter survient alors que le Congrès américain vient de donner son feu vert à la Maison-Blanche pour un recours unilatéral éventuel à la force contre l'Irak afin d'éliminer ses armes de destruction massive.
«Je ne veux faire aucun commentaire particulier sur les politiques menées par le président Bush, mais je pense qu'avant de nous engager dans quelque guerre que ce soit, nous devons épuiser toute autre voie alternative, y compris la négociation et la médiation, ou, si cela n'est pas possible dans le cas de l'Irak, travailler par le truchement des Nations unies», a réagi M. Carter dans un entretien accordé à la chaîne américaine CNN.
Un peu plus tard, M. Carter a toutefois affirmé que s'il avait été membre du Congrès, il aurait voté contre l'autorisation donnée au président Bush d'user de la force en Irak.
La référence à la politique actuelle des États-Unis en Irak a provoqué des remous jusque dans les rangs du Comité Nobel, deux de ses cinq membres s'empressant de désavouer leur président, affirmant que ses propos n'engageaient que lui.
M. Berge lui-même a dû tempérer ses déclarations, soulignant qu'elles étaient à mettre «à son propre compte».
Multirécidiviste des «nominations Nobel», M. Carter avait déjà failli partager le prix Nobel de la paix en 1978 avec le président égyptien Anouar al-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin, mais sa candidature n'avait alors pas été proposée à la date butoir du 1er février.
Dans ses attendus, le Comité Nobel a expliqué qu'il tenait à récompenser l'ancien président américain «pour ses décennies d'efforts infatigables en faveur d'une résolution pacifique des conflits internationaux, des progrès de la démocratie et des droits de l'homme ainsi que de la promotion du développement économique et social».
«Dans une situation actuellement marquée par des menaces de recours à la force, Carter est resté fidèle aux principes selon lesquels les conflits doivent dans la mesure du possible être résolus par la médiation et la coopération internationale sur la base du droit international, du respect des droits de l'homme et du développement économique», a aussi indiqué le comité dans une allusion à peine voilée à la question irakienne.
Vingt ans
Le Centre Carter, organisation non gouvernementale spécialisée dans la résolution des conflits et l'aide au développement humanitaire, sur laquelle l'ancien président américain s'est appuyé pour déployer ses efforts de paix, fête cette année ses 20 ans, ont aussi relevé les cinq «sages».
Donné par avance comme l'un des favoris pour le Nobel de la paix cette année, le président afghan Hamid Karzaï s'est montré beau joueur, affirmant que M. Carter «méritait plus ce prix que moi».
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, lui-même colauréat du Nobel de la paix 2001 avec l'ONU, s'est dit «ravi».
Le ministre cubain des Affaires étrangères Felipe Pérez Roque a lui aussi exprimé la «grande satisfaction» de son pays, où M. Carter avait fait une visite historique en mai dernier.
Le prix, qui consiste en une médaille d'or, un diplôme et un chèque d'un montant de dix millions de couronnes suédoises (1,10 million d'euros), sera remis le 10 décembre à l'hôtel de ville d'Oslo.