Le voyageur de la paix
Jimmy Carter s'est fait ces dernières années une spécialité des rôles de médiateur dans les situations les plus diverses.
Avec son Centre Carter, créé à Atlanta, la capitale de son État natal, et financé par la fortune de ce millionnaire de la cacahuète, l'ancien chef d'État redevenu simple citoyen prend son bâton de pèlerin pour contribuer au règlement des crises partout dans le monde. Il appuie par exemple des pourparlers entre l'Éthiopie et les rebelles de l'Érythrée et va même jusqu'à inviter les factions rivales du Soudan du Sud à venir en Géorgie pour des pourparlers de paix.Il dirige de très nombreuses missions d'observateurs, comme en 1990 lors d'élections au Nicaragua, où les sandinistes céderont pacifiquement le pouvoir à l'opposition. Il arrive même que ses recommandations aient une influence réelle sur la politique étrangère américaine. À la tête d'une mission au Panama en 1989, Jimmy Carter accrédite les accusations de sabotage électoral portées contre l'homme fort du pays, le général Manuel Noriega. Le début de la fin pour le militaire panaméen.
Très critiqué, au début des années 80, par les démocrates qui ne lui pardonnaient pas la débâcle électorale, il réussira progressivement à gommer son image de piètre stratège politique pour la remplacer progressivement par celle d'un «sage» de la médiation diplomatique. Ceci lui vaudra une popularité bien plus grande qu'à aucun moment de sa présidence.
En 1993, Carter est redevenu un visiteur habituel de la Maison-Blanche occupée par le démocrate Clinton, originaire d'un État du Sud comme lui, auquel il prodigue son aide pour obtenir l'adoption de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Dans la seule année 1994, il intervient sur le devant de la scène dans au moins cinq points chauds du globe. En Haïti, il dirige une délégation américaine dépêchée par le président Bill Clinton pour persuader la junte locale de s'incliner pour éviter une invasion américaine. Grâce à son action, le président élu Jean-Bertrand Aristide rentre au pays.
Alors que les tensions s'accumulent entre les frère ennemis coréens, il organise une mission en Corée du Nord, où il rencontre le dirigeant Kim Il-sung et contribue à apaiser leur différend nucléaire. «La crise est finie», clame-t-il en rentrant à Washington.
Très engagé en Afrique, où il fait alterner des missions politiques avec des programmes sanitaires pour combattre le sida et les maladies tropicales, il s'intéresse notamment à la région hypersensible des Grands Lacs, avec ses deux millions de réfugiés hutus rwandais et burundais.
Sensation
Plus récemment, son voyage à Cuba avait fait forte sensation. Opposé au boycottage, ce fervent partisan d'une démocratisation du régime cubain avait pris fait et cause pour les dissidents du régime et fait connaître leur combat au monde entier. Lors d'un discours retransmis par la télévision cubaine, Jimmy Carter avait exposé publiquement ses critiques du régime dans le domaine des droits de l'homme devant un Fidel Castro impassible, le pressant d'ouvrir ses prisons aux observateurs internationaux.
Infatigable missionnaire de la paix, il revendique lui-même une part de naïveté et d'angélisme.
En 1991, interrogé sur la manière dont il jugeait sa présidence, il avait répondu: «Il [Carter] a essayé de faire de son mieux, entrepris ce qu'il fallait tenter, sans toujours réussir. Peut-être était-il naïf à beaucoup d'égards.» Jeune retraité de la politique âgé de 56 ans à sa sortie de la Maison-Blanche en 1980, Jimmy Carter a raconté dans un livre coécrit avec sa femme Rosalyn le bonheur de sa vie d'après. Paru en 1987, le livre s'appelait Tout à gagner - Comment tirer le meilleur parti du reste de sa vie. Mission largement accomplie pour Jimmy Carter.