La loi 90 - Nouvelles pratiques infirmières
C'est surtout dans le domaine des soins infirmiers que la loi 90 apporte les changements les plus importants, surtout au chapitre des actes réservés, dont plusieurs deviennent maintenant des actes partagés entre les infirmières et les infirmiers, les auxiliaires et les médecins.
Ces nouvelles dispositions de la loi 90 viennent non seulement consacrer des pratiques déjà implantées dans le réseau — le cas de l'infirmière au triage à l'urgence est probant à cet égard — mais ajoute, en décloisonnant les actes réservés, une certaine souplesse dans le traitement des patients.L'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers auxiliaires se voit accorder deux actes auparavant réservés aux infirmières. Les membres de cet ordre peuvent maintenant contribuer à la vaccination dans le cadre d'une activité découlant de l'application de la Loi sur la santé publique — une campagne de vaccination contre la méningite comme on a déjà connu — et ils peuvent aussi introduire un instrument, selon une ordonnance, dans une veine périphérique à des fins de prélèvement, c'est-à-dire faire une prise de sang.
Selon Régis Paradis, président de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires, ces mesures permettront de libérer les infirmiers et les infirmiers de ces tâches afin qu'ils se consacrent davantage aux autres soins. «Cela peut avoir, on l'espère, un effet domino. En contribuant davantage aux soins, il sera peut-être possible de garder plus de lits ouverts.»
Si le champ de pratique des infirmières et des infirmiers demeure sensiblement le même, la loi 90 accorde plus de latitude aux infirmières et aux infirmiers dans l'exercice de leurs fonctions et, en ce sens, reconnaît à ces professionnels le droit d'utiliser leur jugement dans certaines circonstances.
«De façon générale, la loi vient reconnaître ce qui se passait sur le terrain, explique Gyslaine Desrosiers, présidente de l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers du Québec. Mais l'incertitude quant à la légalité de certains actes était un frein au développement. Maintenant, avec cette loi, non seulement les choses sont claires, mais notre fonction prend davantage de l'allure. C'est pour nous une percée significative.»
La loi 90 permet maintenant aux infirmières et infirmiers d'évaluer la condition physique et mentale d'une personne symptomatique, ce qui vient consacrer ce qui se faisait déjà au triage à l'urgence. Cet acte réservé pourrait aussi se pratiquer en CLSC ou en région éloignée.
De plus, certaines dispositions de la loi donnent plus de latitude et accordent aux infirmières et aux infirmiers un certain pouvoir de décision. Par exemple, la loi permet maintenant d'administrer et d'ajuster des médicaments ou autres substances, s'ils font l'objet d'une ordonnance. En clair, cela veut dire qu'une infirmière pourrait réduire ou augmenter la dose d'un médicament, selon un protocole de soins, sans être obligée au préalable de consulter le médecin. On pense ici à la garde de nuit dans un hôpital lorsque les médecins se font plus rares.
À la limite, un exercice de la médecine
L'article 36.1 de la loi 90 va même plus loin. «C'est ce que j'appelle la phase 2 de la loi, précise Yves Lamontagne. À ce sujet, nous sommes présentement en discussion avec les infirmières et les médecins spécialistes.»
Cet article de la loi 90 donnerait à l'infirmière ou à l'infirmier, dans certaines circonstances et seulement s'ils sont habilités à le faire, la permission de prendre des décisions de leur propre chef et sans consulter un médecin. Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière pourrait prescrire des examens diagnostiques, prescrire des médicaments et autres substances, prescrire des traitements médicaux, utiliser des techniques diagnostiques et appliquer des traitements médicaux invasifs ou présentant des risques de préjudice.
Infirmières praticiennes
«Évidemment, les infirmiers et les infirmières qui seraient habilités à poser ces actes auraient reçu une formation spécialisée à cet égard, ajoute Mme Desrosiers. Ce sont ce que nous appelons des infirmières praticiennes et leur rôle serait défini de concert avec les médecins spécialistes.»
À titre d'exemple, une infirmière praticienne, spécialisée en psychiatrie, pourrait prescrire un tranquillisant à un patient en pleine crise d'anxiété avant même que ce dernier ne soit reçu par le psychiatre. Plusieurs spécialités médicales réclament aujourd'hui de tels infirmiers et infirmières praticiens; notamment en urgentologie, mais aussi en néphrologie, en néonatologie et en chirurgie cardiaque.
Une pareille refonte du Code des professions dans le domaine de la santé aurait été impossible sans le concours des médecins, qui demeurent toujours le pivot central du système des soins de santé. «Si par le passé on a pu nous reprocher un certain conservatisme, avance Yves Lamontagne, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La médecine a évolué, les équipes sont maintenant souvent multidisciplinaires et je crois que nous avons fait preuve ici d'ouverture d'esprit.»
Selon Gyslaine Desrosiers, tous les ordres professionnels impliqués dans ce dossier ont démontré beaucoup d'ouverture d'esprit et ont choisi la voie de la collaboration. «Pour que cela réussisse sur le terrain, il faut maintenant une volonté politique et évidemment les budgets pour soutenir un tel effort. Ça ne se fera pas tout seul.»
Plus grande autonomie pour les physiothérapeutes
Il n'est plus nécessaire d'attendre que le médecin évalue
Selon Paul Castonguay, président de l'Ordre professionnel des physiothérapeutes, la loi 90 «correspond à l'état de notre profession telle qu'elle est exercée aujourd'hui et met en mots la pratique actuelle».
À ses débuts, la profession de physiothérapeute s'exerçait surtout en milieu hospitalier, c'est donc le médecin qui évaluait le patient et qui décidait du traitement. Mais aujourd'hui, bon nombre de physiothérapeutes se retrouvent en cliniques privées. La loi leur consent donc une plus grande autonomie.
Le physiothérapeute est habilité à évaluer la fonction neuromusculosquelettique d'une personne présentant une déficience ou une incapacité de sa fonction et à procéder à l'évaluation fonctionnelle d'une personne lorsque cette évaluation est requise en application d'une loi.
De plus, le physiothérapeute peut décider seul de l'utilisation de mesures de contention. «Nous sommes en mesure d'évaluer si un patient présente des problèmes d'équilibre et s'il y a risque de chute. Nous n'avons pas à attendre que le patient tombe avant de décider de mesures de contention parce que le médecin n'est pas disponible.»
La loi 90 vient aussi clarifier deux actes qui pouvaient être perçus comme des chevauchements avec d'autres ordres professionnels. Il s'agit des manipulations vertébrales et articulaires, un outil de traitement en physiothérapie, qui pouvait être confondu avec un acte réservé aux seuls chiropraticiens. Aussi l'utilisation des aiguilles sous le derme, pour atténuer l'inflammation, en complément d'autres moyens, est permise et n'est plus considérée comme un empiétement sur le champ de pratique des acupuncteurs.