Une entrevue avec André Boulerice - Pour combler les besoins

Le message du ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration est clair: «Il s'agit de travailler pour que les ordres professionnels soient de plus en plus accueillants et pour que les professions, qui étaient autrefois hors de la portée de gens issus de l'immigration, deviennent accessibles à ceux qui ont suivi des études similaires dans leur pays d'origine.»

Le gouvernement du Québec intensifie ses efforts depuis quelque temps pour que les nouveaux arrivants en terre québécoise puissent exercer plus aisément leurs professions. Par le biais d'un site Internet (www.immigration-quebec.gouv.qc.ca), ils ont notamment accès à une liste de fiches d'information spécifiques au sujet de 37 des 45 professions régies par des ordres professionnels québécois.

De plus, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration collabore étroitement avec le Conseil interprofessionnel du Québec, divers ordres professionnels, l'Office des professions, Emploi-Québec et le ministère de l'Éducation pour faire en sorte que les personnes immigrantes soient mieux informées et pour que leur formation et leur expérience soient reconnues à leur juste valeur. Les établissements d'enseignement collégiaux et universitaires sont de leur côté mis à contribution dans le but de leur donner plus facilement accès à la reconnaissance des acquis et à la formation d'appoint jugée nécessaire.

Le ministre délégué, André Boulerice, laisse savoir que le Québec poursuit des objectifs de nature à combler des besoins dûment ciblés et ratisse à la fois de façon plus large dans le recrutement de professionnels en provenance d'autres pays. Au cours des tournées de promotion du ministère à l'étranger en vue de courtiser les futurs immigrants, les règles du jeu sont clairement établies: «On indique très bien aux candidats qu'il existe des professions qui sont, ici au Québec, réservées ou réglementées, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elles soient inaccessibles.» Il parle du mandat qu'il s'est personnellement donné à la suite de sa nomination en tant que ministre: «Il s'agit de travailler pour que les ordres professionnels soient de plus en plus accueillants et pour que les professions, qui étaient autrefois hors de la portée des gens issus de l'immigration, deviennent accessibles à ceux qui ont suivi des études similaires dans leur pays d'origine.»

Les arguments mis de l'avant

Il existe de bonnes raisons pour que les professionnels étrangers s'établissent au Québec, dont une en particulier, que mentionne le ministre: «On va d'abord leur parler d'un climat de travail qui est souvent tout à fait différent. Autant dans votre profession que dans la mienne et que dans celles des ordres, le Québec n'est pas une société qui est hiérarchisée, sclérosée. Il y a donc une relative bonhomie, ce qui fait que l'exercice d'une profession se déroule toujours dans un climat plus agréable.» Il souligne un autre des attraits québécois: «On sait fort bien que même si nous formons une société de mentalité très européenne, il n'en demeure pas moins qu'il existe ici en Amérique du Nord tout le support voulu des technologies de pointe, ce qui sous-tend un appui dans le travail qu'ils auront à accomplir; c'est un acquis important dans plusieurs domaines.»

Le Québec est aussi reconnu pour la qualité de vie de ses citoyens, qui se situe au niveau de son environnement humain et naturel. Par surcroît, André Boulerice joue au comptable et dit: «D'une part, le coût de la vie est ici beaucoup plus bas qu'en Europe et aux États-Unis; il est également beaucoup plus bas que dans la très grande partie des autres provinces et villes canadiennes.»

En termes de stratégie de recrutement de professionnels, le ministère cible davantage les clientèles universitaires et, dans ce but, n'hésite pas à déposer sa carte de visite dans des lieux branchés que fréquente la faune étudiante et professorale. Le ministre plaide encore en faveur du Québec en faisant valoir que celui-ci s'est doté d'une politique d'accueil et d'intégration des immigrants: «S'ils décident de venir, ils ne vont pas arriver ici en parachute, nous allons les accueillir, les accompagner.»

Un meilleur éclairage et de meilleures relations

Il n'est pas toujours évident pour les nouveaux arrivants de joindre les rangs d'un ordre professionnel et d'exercer la profession pour laquelle ils ont été formés dans leur pays. Sur la place publique, il se raconte en certains cas des histoires d'intégration plutôt pénibles. Pour aplanir certaines difficultés à ce sujet, il existe depuis le début de septembre un service d'information sur les professions réglementées.

Le ministère s'est aussi rapproché du Conseil interprofessionnel avec lequel il collabore, comme le laisse savoir le ministre Boulerice: «Si je vous disais que le Conseil, ce n'est pas mon bras droit, mais presque mes deux bras à la fois, tellement ils accomplissent un travail exceptionnel. C'est très motivant de faire bouger les choses et d'échanger avec eux.» Selon ses dires, il en va de même avec le Collège des médecins, qui manifeste une grande ouverture d'esprit. Cela dit, il n'en demeure pas moins que des règles doivent être observées en matière de pratique des professions, dans d'autres pays comme ici, et que les ordres ont été mis en place dans ce but. «Il ne faut pas que le Québec culpabilise à ce propos. Je n'irai pas demain pratiquer la médecine en France en disant: me voici, accueillez moi et merci!», lance le ministre.

Présentement, le ministère et le Collège poursuivent leurs discussions afin d'identifier la forme que pourrait prendre le soutien à apporter aux immigrants médecins pour passer leurs examens. Les deux grandes fédérations de médecins auront leur mot à dire à ce propos. «On est en train de planifier une façon de les aider pour qu'ils s'intègrent plus rapidement, pour qu'ils obtiennent leur permis de pratique et qu'ils soient capables de répondre aux besoins dans les différentes régions du Québec», dit-il. De semblables efforts se poursuivent du côté des pharmaciens, des orthophonistes, des audiologistes, des chimistes et d'autres groupes. Il en est ainsi parce que le profil de la main-d'oeuvre en provenance de l'étranger l'exige: plus de 75 % des personnes possèdent au minimum 12 années d'études et 57 % des gens sont munis d'un diplôme universitaire.

Mise à jour des connaissances

Certains ordres professionnels dispensent des programmes de formation complémentaires à l'intention des nouveaux arrivés afin qu'ils puissent obtenir les équivalences nécessaires à l'obtention d'un diplôme et à l'exercice d'une profession. André Boulerice s'en félicite: «Il existe déjà des projets de formation d'appoint avec l'Ordre des ingénieurs et avec les fédérations d'infirmières. On examine d'autres avenues et le dossier évolue.» Sur cette question, il cite une phrase touchante du président de l'Ordre des architectes auprès de qui il sollicitait récemment une rencontre: «Vous savez, monsieur le ministre, m'a-t-il dit, dans tous les pays du monde, on construit les maisons de façon différente. Mais, dans tous les pays du monde, le cerveau a été fabriqué de la même façon.» Voilà qui montre l'ouverture d'esprit d'un individu, laquelle devrait être celle de tous, à son avis.

À partir d'une telle phrase, il serait possible de construire des formations d'appoint qui confèrent une couleur et un caractère québécois aux diverses fonctions professionnelles, ce qui amène le ministre à conclure ainsi: «Il faut inclure tous ces gens-là le plus vite possible. Il n'y a pas de sot métier au monde, mais je pense que c'est un talent gâché, compte tenu des besoins immenses que nous avons, de voir un jeune cardiologue diplômé d'une grande université, qui a une longue tradition en médecine, se retrouver dans un fast food.»

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