La loi 90 - Refonte en profondeur du système de santé

Le 14 juin dernier, le Québec redéfinissait l'exercice des professions médicales. Suite à une première refonte opérée depuis 1973, le projet de loi tel qu'adopté touche 11 ordres professionnels et huit lois en vigueur. Élimination d'ambiguïtés et autorisation d'un nouvel exercice des actes médicaux.

«Le principe derrière cette loi est de nous permettre d'entrer dans le XXIe siècle. La médecine, ainsi que l'ensemble des soins que l'on offre aux malades, ont considérablement évolué depuis 30 ans. La loi vient reconnaître cette réalité.» Voilà l'avis du Dr Yves Lamontagne, président du Collège des médecins, à propos de la nouvelle loi 90.

Adoptée le 14 juin dernier, la loi 90 vient modifier le Code des professions et autres dispositions législatives dans le domaine de la santé. Les ordres professionnels qui sont touchés par cette loi sont: les médecins, les pharmaciens, les infirmières et les infirmiers, les technologues en radiologie, les diététistes, les orthophonistes et audiologistes, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les infirmières et infirmiers auxiliaires, les technologistes médicaux et les inhalothérapeutes.

En plus de modifier le Code des professions, la loi 90 modifie du même coup plusieurs autres lois: la Loi sur l'assurance-maladie, la Loi sur l'assurance-médicaments, la Loi sur les infirmières et les infirmiers, la Loi médicale, la Loi sur la pharmacie, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et la Loi sur les technologues en radiologie.

Tout un dépoussiérage, rendu nécessaire, selon Michel Sparer, directeur des communications à l'Ordre des professions du Québec, parce que «nous ne nous étions pas penchés sur ces questions depuis 1973. Le Code des professions, en ce qui concerne le domaine médical, ne correspondait plus à la pratique qu'on retrouve aujourd'hui sur le terrain.»

Rappelons que le Code des professions régit les ordres professionnels en décrivant le champ d'activités de chacun d'entre eux et en définissant les actes qui leur sont réservés, c'est-à-dire les actes que seuls peuvent poser en toute légalité les membres d'un ordre particulier. Le but de cette législation est d'assurer la protection du public.

Nouvelles pratiques et actes réservés

Exergue: Reconnaissance de la multidisciplinarité dans l'exercice des actes médicaux

D'abord, précisons que la nouvelle loi ne rétrécit aucunement les champs de pratique des divers ordres professionnels ni ne retire à aucun d'entre eux des actes qui leur étaient auparavant réservés. C'est plutôt le contraire. Dans certains cas, elle élargit le champ de pratique et rajoute des actes réservés.

La première modification qu'apporte cette loi est de mettre à jour le champ de pratique des ordres professionnels de façon à ce qu'il corresponde à la pratique d'aujourd'hui et qu'il tienne compte de l'évolution qu'ont connue certaines professions. Si le champ de pratique du médecin demeure le même, il en va autrement pour certaines professions, comme les inhalothérapeutes et les physiothérapeutes, qui ont vu leurs champs de pratique s'accroître.

Ensuite, la loi vient clarifier ce qu'on pourrait appeler des zones grises dans le domaine des actes réservés. Dans certains cas, des actes réservés à certains ordres professionnels étaient à toute fin pratique identiques, d'où une certaine confusion quant au qui fait quoi et en quelle circonstance. De plus, certains actes posés tous les jours par certains professionnels pouvaient être interprétés, au sens strict de la loi, comme une pratique illégale de la médecine.

C'était notamment le cas des infirmières et infirmiers affectés au triage dans les salles d'urgence. Lorsqu'un malade se présente à l'urgence, il est d'abord reçu par une infirmière qui prend ses signes vitaux et qui l'écoute décrire son malaise. Ensuite, elle doit décider, selon un protocole, dans quel ordre de priorité classer le cas. Cette évaluation de l'état de santé du patient pouvait-elle être prise comme une forme de diagnostic, un acte réservé aux seuls médecins? Dans la pratique courante, ce genre de décision se faisait de façon régulière et ne posait évidemment aucun problème. C'est ce que la loi vient entériner et confirmer.

Par ailleurs, en matière d'actes réservés, la loi 90 innove en introduisant davantage de souplesse dans ce secteur, ce qui peut être considéré comme une percée importante. Elle accorde à certains ordres de nouveaux actes réservés qui tiennent compte de l'évolution des pratiques professionnelles et elle permet à certains ordres de poser des actes qui autrefois étaient réservés exclusivement à d'autres. De plus, elle fait en sorte que certains actes réservés ne soient plus exclusifs à un seul ordre mais plutôt partagés entre plusieurs ordres. En cela, elle vient entériner le fait que les soins de santé sont aujourd'hui souvent prodigués par des équipes multidisciplinaires et elle vient clarifier les possibles chevauchements.

Les inhalothérapeutes et la surveillance clinique

Exergue: Une présence requise du nourrisson au moribond

La profession d'inhalothérapeute a passablement évolué au fil des années et c'est ce que la loi 90 vient confirmer. «Notre profession a énormément progressé, affirme Céline Beaulieu, présidente de l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec. Nous sommes maintenant en relation avec de nombreux médecins spécialistes ainsi que plusieurs autres professionnels de la santé. Notre présence est requise du nourrisson au moribond.»

Le rôle de l'inhalothérapeute dépasse aujourd'hui les soins respiratoires généraux qu'on donne aux patients atteints de maladies telles que l'asthme ou l'emphysème. L'inhalothérapeute effectue aussi l'assistance ventilatoire, c'est-à-dire ce qui se rapporte au patient qui est sous respirateur. Son champ d'activité, autrefois limité au pulmonaire, s'étend maintenant à tout le système cardiorespiratoire, ce qui lui permet de conduire des examens à l'effort, sur tapis roulant par exemple. De plus, il est maintenant autorisé à effectuer des prélèvements de sécrétions bronchiques et des prélèvements sanguins.

Il peut aussi exercer une surveillance clinique de la condition des patients sous anesthésie, y compris la sédation-analgésie. «La surveillance des patients sous sédation-analgésie est un important gain pour nous car cela vient régulariser une pratique qui se déroule presque tous les jours en cabinet privé.» La sédation-analgésie consiste dans l'administration de médicaments, tels les barbituriques, lors d'une intervention chirurgicale mineure pratiquée en cabinet privé.

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