Travailleurs sociaux - Vies de couples
Alors que les familles sont en pleine redéfinition et que les «enfants du divorce» élèvent à leur tour leur progéniture, le gouvernement du Québec vient de reconnaître officiellement la profession de thérapeute conjugal et familial (TCF). Ces derniers ont été intégrés, en novembre 2001, à l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec (OPTSQ).
Ne s'improvise pas thérapeute conjugal et familial qui veut. Selon le décret gouvernemental qui leur accorde un titre réservé, les TCF doivent détenir un diplôme de maîtrise, qui comporte au moins 24 crédits (360 heures) «en étude de la famille et du couple, en thérapie conjugale et familiale ainsi qu'en développement humain et en éthique du couple et de la famille». Cette exigence est doublée d'une formation pratique de 500 heures.Les TCF font maintenant partie de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, qui délivre les permis de pratique. «Les gens qui font appel à un TCF peuvent être assurés que celui-ci détient le corpus de connaissances nécessaire pour intervenir adéquatement. Si les mêmes interventions étaient posées par des personnes qui n'ont pas ces compétences, cela mettrait le public en danger», explique Claude Leblond, président de l'OPTSQ, qui entend faire connaître davantage la profession au public et aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux.
La profession pourrait être en demande au cours des prochaines années: «J'ai l'intuition que les jeunes couples cherchent à développer une plus grande stabilité de la famille», pense le président de l'OPTSQ. Il souligne qu'au début de sa pratique en CLSC, il y a plus d'une vingtaine d'années, les postes de conseillers conjugaux et familiaux disparaissaient du réseau public. «Pendant de nombreuses années, rien n'était offert pour les couples en difficulté, qui n'étaient pas rendus en situation de crise. Peut-être faudra-t-il choisir de rendre à nouveau ces services accessibles.»
Une meilleure protection du public
Par l'octroi d'un titre réservé aux TCF et leur intégration à un ordre professionnel, le gouvernement vise à mieux protéger le public. «L'ordre s'assure que les professionnels disposent de la formation requise pour pratiquer. Il réglemente la profession, par le biais d'un code de déontologie et surveille la pratique, notamment en procédant à des inspections professionnelles. Un ordre a aussi la possibilité de faire enquête et d'imposer des sanctions disciplinaires à la suite d'une plainte», explique Michel Sparer, directeur des communications à l'Office des professions du Québec.
Le président de l'OPTSQ juge cette protection essentielle: «Après tout, on travaille avec l'humain!», s'exclame-t-il, en précisant que les TCF sont titulaires, pour la plupart, d'un diplôme d'études supérieures.
Quelque 244 thérapeutes conjugaux et familiaux font partie de l'OPTSQ, qui compte près de 5000 membres. Plusieurs détiennent à la fois les permis de TCF et de travailleur social (73), d'autres sont aussi psychologues, conseillers en orientation et infirmières. La plupart travaillent en pratique privée. Quelques-uns sont également employés dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais sous d'autres titres d'emploi.
Les fréquentations et le mariage
L'histoire du mariage entre les deux professions prend sa source dans les années 1990. L'Office des professions du Québec avait alors étudié l'opportunité de constituer des ordres professionnels dans le domaine des médecines douces et des psychothérapies, à la suite d'une demande des massothérapeutes. Dans un avis adressé au gouvernement en 1992, l'Office recommandait «que les thérapeutes conjugaux et familiaux, les sexologues et les psychoéducateurs soient intégrés à l'une ou l'autre des corporations professionnelles à titre réservé».
«C'est alors que les fréquentations ont commencé, rappelle le président de l'OPTSQ. Après avoir discuté avec les représentants des trois professions, nous avons décidé de poursuivre la démarche avec les TCF. C'est la profession la plus apparentée à celle de travailleur social.»
L'union s'est finalement consommée l'an dernier. Le président de l'Ordre explique les points communs entre les deux professions: «Les TCF et les travailleurs sociaux centrent leur action sur l'interaction entre les individus, plutôt que sur l'individu pris de façon isolée. Nous partageons une analyse systémique des problématiques.» Il fait valoir que plusieurs des grands penseurs de la thérapie conjugale et familiale étaient à l'origine des travailleurs sociaux.
Afin de faciliter la transition, le décret a prévu une sorte de clause grand-père. Tous les membres des deux associations de TCF — soit l'Association des psychothérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et la Quebec Association for Marriage and Family Therapy — pourront être admis à l'OPTSQ, sans présentation de dossier, pour une période de deux ans. Les demandes présentées après novembre 2003 devront cependant être accompagnées d'un dossier pour la reconnaissance d'équivalences.
Créer une formation universitaire
L'Ordre s'attaque maintenant à un défi de taille: mettre en place une formation universitaire de niveau maîtrise et peut-être même un doctorat, d'ici les cinq prochaines années. Pour l'heure, la plupart des TCF sont formés par des instituts privés. «Nous pensons qu'il faut ramener la formation dans les universités», croit le président de l'Ordre, en soulignant que le programme devrait être dispensé dans une école de travail social.
La tâche n'est pas mince: «Le milieu universitaire vit à l'heure de l'assainissement de ses finances et la chute démographique risque d'affecter la clientèle étudiante», fait remarquer M. Leblond, qui note qu'une telle formation serait offerte à un nombre restreint d'étudiants. Le président de l'ordre professionnel avance qu'une collaboration interuniversités aiderait à contourner ces difficultés. L'Université de Montréal et McGill offrent déjà un doctorat conjoint en travail social, dont pourrait s'inspirer l'éventuel programme de TCF.