Le privé ne sauvera pas le système de santé public, dit Roland Arpin
Penser que l'ouverture au privé réglera tous les maux du système de santé public relève de la pensée magique, estime Roland Arpin, ex-président du comité sur la présence du privé dans la santé au Québec.
«La gestion des populations est devenue extrêmement complexe. Sur une estrade, il est facile de lancer des boulets de canon, mais je pense que la position de l'ADQ est de la pensée magique», dit-il.Celui qui a présidé, en 1999, la commission «Arpin», créée pour étudier la complémentarité possible du secteur privé dans le système de santé public québécois, estime que les propositions adéquistes sont «rafraîchissantes dans un débat d'idées», mais quelque peu «idéalistes».
D'abord, parce que l'intégration du privé dans la santé ne constitue aucunement une innovation, dit-il. En effet, plus de 30 % des dépenses de santé au Québec sont déjà effectuées dans le privé, pour une multitude de services non assurés. Cette proportion importante, dépasse déjà de beaucoup celle observée dans plusieurs autres pays de l'OCDE. «Les gens oublient qu'il y a déjà une grande part du privé dans notre système, qui n'a rien d'un système public pur et dur», affirme M. Arpin.
Après avoir analysé la situation vécue dans plusieurs de ces pays, Roland Arpin en vient à la conclusion que le privé n'a joué nulle part le rôle de salvateur du système de santé public. Au contraire, que ce soit aux États-Unis, où le privé règne en maître, ou au Royaume-Uni, où le système demeure massivement public, tous les pays du G 8 font face aux mêmes problèmes de financement de leurs services de santé. Système parallèle ou pas.
Quant à la France, que les idéologues adéquistes brandissent souvent comme LE pays modèle, ayant réussi l'intégration du privé sans coup férir, Roland Arpin émet quelques bémols. «La France n'a pas de système à deux vitesses, mais plutôt un système à plusieurs niveaux où tout le monde paie. Ce qui est clair, c'est qu'il n'y a pas de système idéal qui peut régler tous les problèmes du jour au lendemain», affirme-t-il.
En effet, en France, la part des dépenses privées dans la santé est moins importante qu'au Québec, mais les usagers doivent payer des tarifs substantiels pour plusieurs services de santé courants.
Dans son rapport, publié en 1999, le comité Arpin proposait d'envisager l'achat de places d'hébergement pour les personnes âgées dans des ressources privées, mais pressait Québec d'interdire la double pratique des médecins dans un système privé et de limiter la création de services de santé parallèles. «Notre commission était très nuancée sur cette question, conclut-il. On ne parlait pas de tout bousculer. Je conçois qu'il soit rafraîchissant pour l'ADQ de mettre ces idée sur la table pour en débattre, mais de croire qu'elles vont tout régler rapidement est de l'idéalisme.»