Bruno Marchand, le maire en souliers de course

Bruno Marchand a remporté à l’arraché la mairie de Québec dimanche soir. 
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Bruno Marchand a remporté à l’arraché la mairie de Québec dimanche soir. 

Depuis dimanche soir, tout le Québec se demande qui est ce Bruno Marchand qui a remporté à l’arraché la mairie de la capitale. Petit portrait d’un coureur infatigable, qui a trouvé un ton suffisamment consensuel pour plaire tant aux électeurs de la haute-ville qu’à Radio X.

En entrevue à CHOI-FM, lundi matin, le nouveau maire de Québec se faisait appeler par son prénom, Bruno, discutant avec deux animateurs soucieux de rebâtir des ponts entre leur station et la Ville.

Quand Jeff Fillion avait déclaré en août que M. Marchand ferait un « bon maire » pour Québec, bien des progressistes avaient froncé les sourcils. Mais cela n’a pas empêché le chef de Québec forte et fière (QFF) de l’emporter dans les districts réputés les plus à gauche de la capitale, comme Cap-aux-Diamants ou Montcalm–Saint-Sacrement.

« Le but, ce n’est pas d’être élu, c’est de réunir la ville », résumait-il en entrevue au Devoir au lendemain de la victoire.

Né à Québec dans le quartier Limoilou, l’homme de 48 ans a un parcours assez atypique, qui l’a fait passer des études de philosophie au travail social et des services aux étudiants du cégep Sainte-Foy à l’Association québécoise de prévention du suicide. Comme p.-d.g. de Centraide depuis 2014, il s’est illustré par l’efficacité de ses collectes de fonds, les faisant passer de 12 à 17 millions de dollars en sept ans.

Non à la politique de niche

De son propre aveu, il est l’homme de plusieurs gangs. Ce qu’il n’a pas manqué de souligner dans son discours dimanche soir. « Avez-vous déjà vu un libéral, une péquiste, une caquiste et un solidaire réunis à une même table et rire aux éclats ? Chez nous, c’est arrivé chaque jour ! »

Ce n’est pas un détail à Québec, où certains clivages ont la vie dure, comme l’opposition entre centre-ville et banlieues ou entre partisans du transport en commun et automobilistes. Transcender les catégories, « c’était fondamental », a-t-il confié au Devoir.

« Le plus facile en politique, c’est faire de la politique de niche. […] Il y a quelque chose de très mobilisant dans le fait d’avoir un ennemi commun bien identifié, mais c’était hors de question », soutient celui qui, dès le début de sa campagne, avait dit vouloir incarner un « nouveau ton » aux antipodes de « la chicane ».

Au bout du compte, trois de ses candidats ont été élus dans le centre, mais aussi dans trois banlieues différentes : Sillery, Charlesbourg et Loretteville.

Marchand a commencé à discuter d’une nouvelle option municipale, il y a un an et demi, avec un petit groupe composé de François Paquet (un ancien du Parti québécois), Luc Samama (ex du Bloc québécois), Bruno-Pierre Cyr (ex-péquiste) et Luc Massicotte, un ancien collègue de l’Association québécoise de prévention du suicide.

Petit à petit, on l’a vu s’afficher davantage publiquement. L’aspirant à la mairie souffrait d’un imposant déficit de notoriété, mais, rapidement, on l’a associé aux souliers de course d’un rouge éclatant qu’il portait en toute occasion. Par sa façon de s’habiller comme de s’exprimer, Bruno Marchand dégage depuis le début une image « relaxe ». Et c’était « stratégiquement pensé et choisi » reconnaît-il. « Ça casse l’image du politicien traditionnel. Ça présente une politique plus jeune, plus active et ce n’est pas un casting qu’on s’est donné. Je suis un coureur. »

Expertise en communication

 

Lorsqu’il s’est mis dans l’embarras en ouvrant la porte à une taxe le long du tramway, il a dit au Devoir qu’il dirait la même chose si c’était à refaire. Parce que « si on veut des politiciens qui n’ont pas de cassettes, authentiques, il faut accepter qu’on mette les débats au jeu ».

Ses adversaires l’ont martelé tout au long de la campagne : M. Marchand et les membres de son équipe sont des professionnels de la communication. Un atout pour faire campagne, mais une possible faiblesse pour constituer un comité exécutif.

Ainsi, parmi les six personnes élues dans son équipe dimanche, aucune n’a de compétences en finances. L’ancien p.-d.g. de Centraide pourrait-il s’en charger lui-même ? Il n’excluait aucun scénario lundi.

Chose certaine : le chef de QFF souhaite solliciter des talents dans d’autres formations politiques. Toute la journée, lundi, il a lancé des appels à une collaboration entre partis.

Équipe Marie-Josée Savard, qui compte le plus grand nombre d’élus (10), a diffusé un communiqué en matinée pour le féliciter sans préciser ce qu’il adviendrait de la cheffe et du parti. On y mentionnait que Mme Savard serait disponible pour épauler les nouveaux élus de sa formation. Pourrait-elle jouer le rôle de cheffe de parti sans siéger ? On se permettra d’en douter. En choisissant de ne pas avoir de colistier ni de colistière, son message était clair : pour elle, c’était la mairie ou rien.

La suite devrait s’éclaircir dès le 22 novembre, lors de la tenue de la prochaine séance du conseil municipal.

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