Règlement sur les manifestations: une coalition dénonce des abus de la police

À Québec, le Service de police (SPVQ) a pris l’habitude de contacter les organisateurs de manifestations à l’avance via Facebook pour leur demander une série de renseignements, dont leurs coordonnées personnelles et leur itinéraire.
Cette pratique a débuté « dernièrement », explique Marie-Ève Duchesne du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste. Pour elle, c’est une pratique abusive par laquelle la police vient « s’ingérer dans l’organisation des manifestations ». Elle estime en outre que cela « nuit à la mobilisation citoyenne et communautaire ».
Les groupes reçoivent un message d’un compte intitulé « SPVQ Renseignement » assorti d’un formulaire à remplir sur la manifestation qui s’organise.
L’organisateur doit fournir son nom, sa date de naissance, son adresse, son numéro de téléphone et les détails de la marche prévue (itinéraire, heure, équipement utilisé), etc.
Au SPVQ, on dit vouloir ainsi travailler « en amont ». Il s’agit de donner de l’information notamment aux groupes qui ne sont pas familiarisés avec le règlement municipal sur les manifestations, explique le porte-parole, Pierre Poirier.
Adopté en 2012, l’article 19.2. de ce règlement stipule qu’une manifestation est illégale si la police « n’a pas été informée de l’heure, du lieu ou de l’itinéraire » de la manifestation, si l’itinéraire a été modifié ou si des actes de violence ou de vandalisme ont été commis.
Québec — Montréal
Une réglementation similaire avait été adoptée à Montréal à la même époque (P-6). Un jugement de la Cour supérieure du Québec l’a en partie invalidée en juin 2016 en tranchant qu’il n’était pas nécessaire de fournir un itinéraire si la manifestation était spontanée. Par contre, le règlement est toujours en vigueur.
À Québec, un citoyen avait contesté l’article 19.2 du règlement devant la Cour municipale en 2013 en invoquant qu’il portait atteinte à des droits garantis dans la Charte. Il a été débouté, mais le juge avait soutenu qu’il n’était pas indispensable de dévoiler l’itinéraire à la police longtemps à l’avance.
Marie-Ève Duchesne et les porte-parole de deux autres groupes sociaux étaient à l’hôtel de ville lundi soir pour souligner le 5e anniversaire du règlement encadrant les manifestations dont ils réclament l’abrogation.
Ils reprochent à la police d’en avoir fait un « régime d’autorisation » alors qu’à l’origine, il s’agissait « d’un régime de préavis ».
Les groupes sociaux diront toujours que les policiers font des abus
Cela fait en sorte, dit Mme Duchesne, que dans certains cas la police tolère de recevoir l’itinéraire à la dernière minute alors que, dans d’autres, elle invoque 19.2 pour empêcher la tenue de la manifestation.
« Ils font du profilage politique. S’ils considèrent que la cause est légitime, ils vont l’accompagner et s’ils considèrent qu’elle n’est pas légitime, ils vont utiliser leur marge de manoeuvre », fait valoir Sébastien Harvey, de la Ligue des droits et libertés, l’un des groupes membres de la Coalition pour le droit de manifester à Québec.
M. Harvey cite en exemple une manifestation dénonçant l’austérité tenue à l’automne au Terminal de croisières. Les policiers avaient demandé aux manifestants de marcher sur le trottoir plutôt que dans la rue en dépit du fait qu’ils avaient dévoilé leur itinéraire.
Aucun problème
Au Service de police, on nous indique qu’il est très rare que des amendes sont imposées en vertu de l’article 19.2.
Le porte-parole, Pierre Poirier, souligne que « la plupart du temps, les gens s’annoncent et il n’y a pas de problème ». Il estime qu’il y a environ 500 manifestations par année dans la capitale.
Le maire de Québec, Régis Labeaume, estime quant à lui qu’il n’y a aucun problème avec ce règlement.
« Les groupes sociaux diront toujours que les policiers font des abus. […] On essaie de donner des moyens aux policiers pour qu’ils puissent faire respecter la loi. Je pense que c’est bien fait. »