Émotion et solidarité sur le campus

Le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, a été accueilli par des huées mercredi soir.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, a été accueilli par des huées mercredi soir.

« On est là, on vous croit ! » « Problème de société, pas de sécurité ! » Des centaines de personnes ont convergé vers les résidences de l’Université Laval mercredi soir pour exprimer leur soutien aux victimes des agressions de la fin de semaine.

« C’est important pour moi qu’on se parle, qu’on se voie, qu’on se crée un moment pour échanger », a d’abord lancé le professeur Thierry Giasson, qui avait pris l’initiative d’organiser le rassemblement.

Une dizaine de personnalités politiques de tous les partis ont répondu à l’appel, dont la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, et les députés Agnès Maltais (PQ), Jean-François Roberge (CAQ) et Manon Massé (QS), qui ont tous pris la parole sur une petite estrade installée à l’entrée du pavillon Parent.

Au micro, Mme David a souligné que c’était un enjeu non partisan et que le gouvernement allait sévir contre la culture du viol. « Moi et mes collègues, nous allons poser des gestes. Ce soir, c’est le début de quelque chose », a-t-elle dit.

Le recteur de l’université, Denis Brière, aussi a voulu s’exprimer mais a été accueilli par des huées. « Démission, démission ! » scandait une partie de la foule. Visiblement déstabilisé, le recteur a lu un texte dans lequel il disait avoir « compris » les critiques dont il a fait l’objet cette semaine. Or les huées se sont poursuivies jusqu’à ce qu’il parte.

« J’ai trouvé le discours du recteur absolument déplacé. Son attitude durant cette crise-là était inacceptable, a déclaré au Devoir la jeune féministe Léa Clermont-Dion, qui se trouvait dans la foule. On n’y croit pas à son discours et ça se sent quand les gens portent vraiment la cause. »

D’autres victimes témoignent

Comme beaucoup de gens présents, la jeune femme a été en revanche très émue par d’autres interventions, comme celle de cette dame de 69 ans, venue raconter en tremblant comment elle avait été agressée des décennies plus tôt par un professeur de théologie de l’université. « Ça fait 20 ans que je vis enfermée dans mon appartement, j’ai peur de sortir. Je sors parce que je suis obligée d’aller faire mon épicerie, a-t-elle lancé en pleurs. Je demande à tous les hommes du Québec : laissez les filles tranquilles. Laissez-les vivre ! »

Tout juste après, une étudiante du cégep est venue témoigner à son tour du viol qu’elle avait subi. « J’ai seulement 20 ans, et puis ça m’est arrivé. Je suis là ce soir pour dire que les femmes, on est tannées de se promener dans la rue avec nos clés entre les doigts parce qu’on a peur qu’il nous arrive quelque chose ! »

Portes débarrées et responsabilité

 

Beaucoup de personnes ont aussi profité de l’occasion pour répliquer à ceux qui ont réagi aux agressions de la fin de semaine en disant que les filles auraient dû barrer leur porte.

« C’est une culture du viol qui fait en sorte que quand une fille se fait agresser dans ces résidences qui sont des maisons, un endroit où on est censés être en sécurité, on ne regarde pas l’agresseur mais le contexte de l’agression. La porte débarrée n’est pas une justification à un viol, à une agression », a lancé la représentante de l’Association des étudiants inscrits aux cycles supérieurs (AELIES), Milène R. E. Lokrou, avant d’être chaudement applaudie.

Photo: Francis Vachon Le Devoir Le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, a été accueilli par des huées mercredi soir.

Les deux jeunes femmes qui étaient à l’émission Tout le monde en parle dimanche dernier, Ariane Litalien et Mélanie Lemay, s’étaient également déplacées. L’une d’elles a invité les participants à se joindre à leur « guerre à la culture du viol ». Et l’autre d’ajouter que « ce qui s’est produit à l’Université Laval, ce n’est pas propre à l’Université Laval ».

Sophie Chiasson, qui avait traîné l’animateur Jeff Fillion en cour il y a dix ans pour les propos dégradants qu’il avait tenus à son endroit, s’est également présentée au micro. « Ce qui me touche particulièrement ce soir, c’est de voir énormément d’hommes. Continuez de nous tenir la main », a-t-elle dit.

Mme Chiasson, qui a elle-même résidé au pavillon Parent pendant ses études, n’a toutefois pas fait de lien avec son combat passé contre les dérapages verbaux de CHOI-FM. « Je ne veux pas faire de cas personnel du tout ce soir, mais je pense qu’il ne faut pas seulement parler de violence sexuelle mais de violence tout court envers les femmes. La violence, elle est sexuelle, elle est financière, elle est verbale, psychologique. C’est souvent insidieux », a-t-elle précisé au Devoir.

En plus de Mme Chiasson, le député caquiste Jean-François Roberge a, lui aussi, interpellé les hommes. « Les gars, ce serait le temps de faire partie de la solution, a-t-il dit. Les gars aussi, dénoncez ! Quand vous entendez des jokes plates, dites-le. Ça suffit d’endurer n’importe quoi puis d’entendre n’importe quoi ! »



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