L’art s’empare de la controverse du boisé Woodfield

Québec — La controverse entourant le sort du boisé Woodfield a des échos insoupçonnés. L’artiste Geneviève Chevalier en parle actuellement dans une installation réalisée pour la Manif d’art à Québec.
Quand la commissaire de la Manif d’art lui a commandé une oeuvre sur le thème de la résistance, la jeune artiste n’a pas hésité. « J’avais vraiment envie de faire quelque chose là-dessus. […] Je ne voulais pas juste aborder la situation des espaces verts en milieu urbain, mais toute la dimension citoyenne. Le fait que des gens se sentent interpellés par la défense de ces sites-là. »
Intitulée Mon boisé, l’installation est présentée à la Chambre blanche dans le quartier Saint-Roch. L’ensemble a notamment le mérite de faire des liens entre différents cas de sites menacés. En plus de Woodfield, elle évoque la bataille pour préserver la forêt des Hirondelles à Saint-Bruno-de-Montarville et l’achat, par un promoteur, des terres des Sulpiciens sur le mont Royal. « Ce site-là est passé au privé sans qu’on s’en occupe trop et, maintenant, l’accès est condamné », déplore Geneviève Chevalier.
Dans les trois cas, le développement urbain et la nature sont entrés en conflit. Et pour deux d’entre eux, un troisième enjeu est soulevé. « À Sillery et au mont Royal, il y a toute la dimension patrimoniale qui s’ajoute. C’est quand même notre histoire qui est menacée par la privatisation de ces sites. »
Du mont Orford à Woodfield
L’artiste n’en est pas à sa première oeuvre du genre. On lui doit aussi une installation inspirée par la bataille pour la sauvegarde du mont Orford en 2005 et une autre sur le passé agricole de la ville de Montréal.
Son travail met en évidence la beauté des arbres tout en documentant les luttes citoyennes pour les préserver. À l’entrée, des documents de consultations publiques sont consignés sur un pupitre. Sur le mur, des coupures de presse rappellent la saga politique du boisé Woodfield.
Une grande projection vidéo nous instruit sur le phénomène de « timidité des arbres » par lequel les feuillus d’une même espèce gardent une distance entre eux pour ne pas se nuire les uns les autres.
Dans le centre de la salle, on peut écouter une longue entrevue réalisée par l’artiste avec Marilou Alarie, du Regroupement des citoyens pour la sauvegarde de la Forêt des hirondelles. « Cet exemple-là est intéressant parce qu’il y a des citoyens qui sont passés au niveau politique aux élections », remarque Geneviève Chevalier. En effet, Marilou Alarie a été élue comme conseillère municipale à Saint-Bruno-de-Montarville aux dernières élections. Sa lutte pour préserver la forêt des promoteurs est passée à un autre niveau.
On n’a pas affaire ici à une oeuvre coup-de-poing, mais plutôt à l’évocation d’un phénomène. Les représentations d’arbres dans la salle favorisent davantage la plénitude que la confrontation. « Je voulais que ce soit contemplatif, qu’on ait l’impression d’entrer dans la forêt», explique Mme Chevalier.
Originaire de la grande région de Québec, elle a été particulièrement touchée par ce qui s’est produit au boisé Woodfield, au point de vouloir pousser ses travaux au-delà de l’exposition en cours. « J’ai décidé de documenter l’arrivée du printemps au boisé Woodfield chaque semaine. C’est un site magnifique. Je pense que ça va devenir un nouveau projet. »
Par Isabelle Porter