Une nouvelle vie faite d’espoir et d’obstacles

Philippe Ringuette a célébré cet été son mariage avec Chhali Gajmer. Ici, on le voit danser lors de la célébration du Laxmi Puja cet automne.
Photo: Renaud Philippe - Le Devoir Philippe Ringuette a célébré cet été son mariage avec Chhali Gajmer. Ici, on le voit danser lors de la célébration du Laxmi Puja cet automne.

Les réfugiés népalais commencent à s’acclimater à leur nouvelle vie à Québec, mais leurs débuts sont décourageants.

La ville de Québec accueille ce mois-ci plus d’une centaine de réfugiés en provenance des camps du Népal, de la région des Grands Lacs en Afrique et de la Colombie. Le Devoir profite de leur arrivée pour prendre des nouvelles du plus gros groupe à s’être installé à Québec ces dernières années, les Népalo-Bhoutanais.

« On en a reçu encore en 2013 et on pense qu’on va en recevoir d’autres l’an prochain », résume la directrice du Centre multiethnique, Dominique Lachance. Or le gros de la vague est passé.

Entre 2008 et 2013, le Canada a accueilli plus de 5000 Népalo-Bhoutanais, dont 1058 sont venus à Québec. Pour ces gens, le choc culturel est inouï. Certains vivent dans des camps de réfugiés du Népal depuis plus de vingt ans. Les plus jeunes y sont nés et les plus vieux ont encore le souvenir du Bhoutan d’où ils ont été chassés. C’est pour cela que certains se décrivent comme des Népalais et d’autres comme des Bhoutanais.

Vent d’hiver

Malgré tout, les réfugiés des vagues précédentes s’acclimatent peu à peu à leur nouvelle vie à Québec. « Maintenant, ça va mieux pour moi », dit Tulshi Rasaily, 38 ans, un des leaders de la communauté qui est arrivé en 2009. « Au début, j’étais vraiment perdu. Je commençais la dépression. Et après ça, un petit peu, un petit peu, j’ai commencé [à] comprendre et un peu [l’]écriture aussi. J’étais content. »

La discussion a lieu dans l’appartement du quartier Saint-Roch où il vit avec sa femme et ses trois jeunes enfants. On entend le vent d’hiver gémir par la fenêtre du logement. À droite, un immense drapeau du Québec trône au-dessus de la table.

Tulshi répète qu’il y a beaucoup à faire pour « sa communauté ». Lui gagne sa vie comme interprète, mais pour la plupart de ceux qui veulent travailler, c’est le poulet ou rien. Lors d’un reportage sur le sujet en février, on mentionnait que l’usine d’emballage de volaille Avico comptait 41 employés népalais. Aujourd’hui ils comptent pour près du tiers des employés de production (62 sur 200). « Ce sont des employés fiables, respectueux », explique la responsable des ressources humaines, Stéphanie Olivier.


Premières unions avec des Québécois

Ganga Gajmer, 23 ans, fait partie des exceptions. La jeune femme travaille chez McDonald, où elle a même été nommée employée du mois. C’est son mari québécois qui l’a mise en contact avec le propriétaire.

Jonathan Lessard l’a rencontrée par l’entremise d’un des clients de son salon de barbier. « J’avais toujours eu dans la tête de rencontrer une personne qui vient d’ailleurs. Il y a un gars qui est venu se faire couper les cheveux qui était déjà fiancé à une Népalaise. Je lui ai demandé si je pouvais être ami sur Facebook avec lui. […] Pendant deux, trois semaines, j’ai fait des activités avec des Népalaises puis à un moment donné Ganga est arrivée et je ne l’ai pas lâchée! »

La soeur de Ganga, Chhali a, elle aussi, épousé un Québécois cet été. « Je l’ai rencontrée pendant que je faisais un stage d’anthropologie au Cégep Sainte-Foy. Chhali en était à sa dernière session de francisation », raconte l’autre mari Philippe Ringuette, 26 ans.

En plus des mariages, les Népalais ont organisé une première grande fête pour toute la communauté cet automne. Des centaines de personnes étaient réunies dans le sous-sol d’une église de Limoilou. Sur scène, ils ont présenté des danses traditionnelles devant les drapeaux du Québec et du Bhoutan. Les enfants couraient partout.

Où demander de l’aide?

Le tiers de la communauté a moins de 18 ans. Les petits apprennent le français à une rapidité impressionnante, mais les plus âgés ont tendance à s’isoler dans les appartements de leurs enfants. Pour eux, la démarche la plus simple peut se transformer en montagne.

Malgré la présence de nombreux organismes d’aide aux immigrants à Québec, ils ne savent pas vers qui se tourner quand ils ont des problèmes. Au sein de la communauté comme chez les professionnels, on déplore à mots couverts le manque de liens entre les organismes, l’absence d’un véritable continuum de services.

« Ces gens-là ont besoin que les services arrivent à eux, pas l’inverse, note sous le couvert de l’anonymat une personne qui travaille auprès d’eux. Après la francisation, ils n’ont aucun service. Le Centre multiethnique a pour mandat de s’occuper d’eux pendant un an et, après, ils sont laissés à eux-mêmes. C’est un problème parce que, souvent, les gens ne parlent pas du tout le français après un an. C’est sûr que ça va être extrêmement difficile pour eux de s’intégrer. »

La directrice du Centre multiethnique, Dominique Lachance, assure qu’il y a un « effort, une volonté d’atténuer les trous dans l’aide aux réfugiés ». « Entre les organismes, il y a toujours du travail à faire », dit-elle.

Pour régler le problème, elle compte sur les « intervenants pivots » qui dirigent les familles vers les bonnes ressources et font le lien avec les écoles. Depuis février, leur nombre est passé de six à huit, mais le financement demeure précaire.



À voir en vidéo