Écoquartiers: les promoteurs de Québec hésitent

Régis Labeaume
Photo: Régis Labeaume

Québec — Aussi séduisants soient-ils, les grands projets d'écoquartiers du maire Labeaume se butent à toutes sortes de résistances dans le milieu immobilier. À Québec, beaucoup hésitent à se lancer dans l'aventure.

D'après un coup de sonde mené auprès des promoteurs immobiliers actifs dans la capitale, la plupart sont réticents à participer aux projets présentés par la Ville en décembre dernier. Certains jugent le processus trop complexe, plusieurs craignent de ne pas avoir les reins assez solides. D'autres ont tout simplement accordé la priorité à d'autres projets. Le Devoir a joint dix des quatorze promoteurs immobiliers qui ont assisté au Colloque sur l'innovation au début décembre. Organisé par la Ville, cet événement visait justement à soumettre les projets d'écoquartiers aux promoteurs afin de les convaincre de faire des propositions dans le cadre d'un «appel de propositions préliminaire».

Sur les dix, seulement trois envisagent de soumettre une offre à la Ville: Logisbourg, Allégro et l'Industrielle Alliance. Les sept autres ne sont tout simplement pas intéressés. C'est le cas par exemple de Patrick Gilbert, de Gilbert Immobilier. «Au départ, je trouvais ça intéressant et ça me disait de travailler là-dessus, mais les attentes étaient élevées et nous avons déjà un autre projet qui demande beaucoup de temps.»

Claude Beaudet, de Beaudet et associés, adore le concept des écoquartiers, mais n'est pas convaincu par l'approche de la Ville. «Il y a deux ou trois éléments qui m'indisposent suffisamment pour ne pas y aller», explique-t-il. Le fait que le tramway ne soit pas construit avant le quartier, mais après, le dérange tout particulièrement. «Le concept d'écoquartier, c'est super brillant sauf qu'on part à l'envers.»

Certains estiment ne pas être dans le bon créneau; d'autres n'ont pas les reins assez solides pour l'aventure. «On n'a pas l'envergure pour réaliser un projet comme ça», croit Virginie Roussin de l'entreprise familiale du même nom. «Ce n'est pas notre créneau pour l'instant», dit pour sa part Philippe Martel d'Immostar. «Peut-être dans le futur s'il y a d'autres projets, mais pas pour l'instant.» Même chose pour Miradas, dont la branche immobilière est encore trop jeune, nous dit-on.

La Société immobilière du Québec n'a participé au Colloque que pour se tenir au courant. Quant au bras immobilier de la SSQ, il est déjà fort occupé avec son propre projet d'écoquartier privé, la Cité verte.

Le promoteur GM Immobilier, qui a joué un rôle clé dans la revitalisation du quartier Saint-Roch et a obtenu le contrat de l'immeuble du gouvernement fédéral qui déménage dans l'écoquartier D'Estimauville, a refusé de nous parler. Pas de réponse non plus de la part de Logisco, de Cominar et du Groupe Saint-Pierre.

Avoir les reins solides

Chez Logisbourg par contre, on est carrément enthousiaste. «C'est sûr qu'on est très intéressés», explique Marie-Hélène Côté. L'entreprise, qui se spécialise dans la location d'appartements et d'immeubles commerciaux, a une compagnie soeur, Peikko, qui a participé au développement d'Hammarby, un écoquartier suédois considéré comme la référence dans le domaine. «C'est très risqué, fait remarquer Mme Côté. Donc, ça risque d'intéresser des promoteurs qui ont soit de l'expérience, soit les reins assez solides.» À Québec, elle lorgne surtout du côté de l'écoquartier D'Estimauville.

Chez Allégro, le promoteur Claude Gilbert dit préparer un partenariat avec «une grosse société montréalaise» qui, contrairement à lui, «a les reins assez solides pour se lancer là-dedans». Le groupe voudrait participer à «une partie du projet», idéalement dans l'écoquartier de Pointe-aux-Lièvres. Ni Logisbourg ni Allégro n'ont encore soumis de proposition formelle à la Ville.

Le bras immobilier de la compagnie d'assurances l'Industrielle Alliance se dit pour sa part «en réflexion». «Les écoquartiers, c'est surtout du résidentiel et nous, notre créneau, c'est le placement immobilier à long terme sur des édifices à bureaux», explique le vice-président aux placements immobiliers, Claude Tessier. Une chose est certaine, le groupe ne sera pas «maître développeur» du quartier, souligne-t-il.

En ajoutant l'étape de «l'appel de propositions préliminaires» avant celle de l'appel d'offres en bonne et due forme, la Ville a voulu se donner de la marge de manoeuvre. «On veut voir ce que les financiers ont à offrir», avait lancé le maire Régis Labeaume lors du Colloque sur l'innovation. Convaincu qu'il y a de «l'appétit pour ça», le maire avait alors dit souhaiter recevoir le plus de propositions possible. «S'il y a une proposition pour D'Estimauville et que c'est sur un lot, on va y penser. Si on a 27 propositions sur quatre lots, on va voir lesquelles sont les meilleures et lesquelles peuvent s'agencer ensemble.»

Par ailleurs, la Ville de Québec n'a pas caché qu'elle comptait solliciter des promoteurs étrangers qui connaissent mieux le concept d'écoquartiers. D'après nos informations, elle est actuellement en quête d'un promoteur principal avec des moyens financiers importants pour piloter chacun des deux projets, qui totaliseraient des investissements d'un milliard et demi de dollars.

À voir en vidéo