Lettre aux prétendants à la mairie de Québec - En attendant Marc Bellemare...

L'ancien président de la Commission de la capitale nationale Pierre Boucher vient de publier aux Éditions Le Septentrion une Lettre aux prétendants à la mairie de Québec dans laquelle il fait la leçon au candidat Marc Bellemare... sans jamais le nommer. Le Devoir l'a rencontré.
Québec — «On se prépare à une bataille entre Claude Larose et Marc Bellemare. Une bataille entre l'expérience et l'inexpérience, entre le connu et... Bellemare, dont on ne sait rien si ce n'est qu'il est préoccupé par la sécurité de la population», disait avec ironie ce fonctionnaire de carrière désormais à la retraite, lors d'une rencontre au centre-ville de Québec. Plus favorable à Claude Larose, le candidat du Renouveau municipal de Québec (RMQ), le parti de Jean-Paul L'Allier, M. Boucher semble toutefois convaincu que c'est l'ancien ministre de la Justice qui l'emportera. «Larose est un homme plutôt fermé, peu expansif et chaleureux; Bellemare est un homme d'image.»Donné gagnant avant même qu'il n'annonce officiellement sa candidature, Marc Bellemare, qui dirige le parti Vision Québec, n'est pas sans susciter des inquiétudes avec ses déclarations sur la sécurité des citoyens et son engagement de constituer une escouade policière pour la protection de la jeunesse. Avec son petit livre, Boucher a voulu donner toute la mesure des autres enjeux auxquels la capitale est confrontée selon lui.
«J'ai commencé à l'écrire entre Noël et le jour de l'An. [...] J'ai essayé de traiter des enjeux majeurs pour la ville en interpellant les principaux candidats. Je voulais qu'ils nous disent comment ils entendaient aborder ces enjeux, qu'ils nous disent ce qu'ils ont dans le ventre. Parce que le premier qui risque d'être élu, c'est Bellemare, et tout ce qu'il a en tête, c'est de relancer le dossier de la prostitution juvénile», précisait cet ancien collaborateur de Jean-Paul L'Allier qui, à la demande de Bernard Landry, assume actuellement la présidence d'un groupe de travail sur la région de Québec.
Les exemples d'Ottawa et de Boston
À l'approche de l'élection municipale prévue pour l'automne, Pierre Boucher dit craindre que les citoyens se fassent «duper» par les slogans au détriment du contenu. Dans son livre, il dresse la liste des dossiers prioritaires à Québec ainsi que les qualités de son candidat idéal. Un exercice dont il profite pour souligner l'envergure du candidat sortant, Jean-Paul L'Allier. «Pour une fois, on avait un homme d'envergure dont la vision ne s'est jamais démentie pendant 16 ans. Il a été un penseur et un acteur de la ville.»
Non seulement la ville de Québec perdra-t-elle un dirigeant de grand calibre, observe-t-il, mais elle se prépare à un renouvellement en profondeur de toute la classe politique. «Une vingtaine des conseillers élus en 2001 ne solliciteraient pas le renouvellement de leur mandat. Du coup, le prochain conseil municipal verrait au moins la moitié de ses sièges occupés par une génération d'hommes et de femmes étrangers à la politique locale des trente dernières années.»
Au-delà des commentaires parfois prévisibles sur les qualités d'un bon candidat, l'ouvrage constitue un bon résumé de la situation politique et économique de la capitale. De la nécessité de diversifier une économie basée sur l'État et le tourisme, au déclin démographique, en passant par la question de l'étalement urbain, l'ouvrage dresse le portrait d'une ville à la croisée des chemins. «Le prochain maire, s'il veut se démarquer, devrait s'attaquer au dossier économique, qui n'a pas bougé depuis 10 ans. Il faut comprendre que la plus grosse compagnie de Québec, l'État, n'offre plus de perspectives d'emploi pour les jeunes.»
Pour M. Boucher, le gouvernement du Québec devrait s'inspirer de l'exemple d'Ottawa, dont le gouvernement a fait un pôle d'attraction en matière de recherche et de développement, notamment pour l'industrie de la défense. «On pourrait faire de Québec le Boston d'ici en misant sur l'économie du savoir. On en parle depuis longtemps. Là, on a besoin d'un leader pour porter cette idée-là.»
Mais c'est sans contredit en matière d'urbanisme et de transport urbain que M. Boucher fait les propositions les plus audacieuses. Très préoccupé par les coûts économiques et environnementaux de l'étalement urbain, il propose ni plus ni moins que d'offrir des transports publics gratuits à l'ensemble des citoyens tout en imposant une taxe aux véhicules qui traversent les ponts aux heures de pointe. De là à penser que des candidats pourraient s'associer à ce type de projet toutefois, le principal intéressé sourit et s'en remet aux paroles de Jaurès: «Est dirigeant celui qui accepte de prendre les risques que les dirigés ne veulent pas prendre.»