Vive inquiétude dans plusieurs communautés juives ultra-orthodoxes

Le Conseil des hassidiques juifs du Québec a ordonné la fermeture de toutes les synagogues pour la première fois de son histoire.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le Conseil des hassidiques juifs du Québec a ordonné la fermeture de toutes les synagogues pour la première fois de son histoire.

L’inquiétude est vive dans plusieurs communautés juives hassidiques de Côte-Saint-Luc, de Montréal et de la Rive-Nord où jusqu’à sept cas de COVID-19 auraient été détectés, forçant le confinement de dizaines de personnes en attente de résultats, selon ce qu’ont confirmé vendredi divers porte-parole.

Trois membres des communautés hassidiques des arrondissements d’Outremont et du Plateau-Mont-Royal auraient déjà reçu un diagnostic de COVID-19 et leurs proches sont en confinement, a expliqué vendredi Max Liebermann, membre du Conseil des juifs hassidiques du Québec.

« C’est une course contre la montre, car nos communautés sont très près de celles de New York et des gens ont pu être infectés avant la mise en place des consignes. Espérons que ce ne soit pas le cas », a ajouté Abraham Ekstein, président de l’Association hassidique juive pour l’enseignement à la maison. Une autre source a indiqué que c’est toute la communauté Kyrias Tosh de Boisbriand qui serait actuellement en confinement.

À Côte-Saint-Luc, où deux cas de COVID-19 ont été confirmés et deux autres suspectés dans la communauté juive lubavitch reliée à la Congrégation Beth Chabad, la tension est telle que le maire Mitchell Bronstein a réclamé à Québec de mettre sa municipalité en quarantaine totale.

On est tous responsables de ne pas rendre nos proches et les autres malades

 

Depuis l’apparition d’un nouveau cas vendredi matin, dans la résidence pour aînés King David, où cohabitent 104 résidents, le maire Bronstein a dit vouloir éviter que sa ville « devienne l’épicentre de l’épidémie au Québec ». Il a tenu une assemblée spéciale de son conseil par vidéoconférence vendredi pour réclamer de Québec le pouvoir de prolonger de cinq jours l’état d’urgence décrété mardi.

Tous les commerces de Côte-Saint-Luc, sauf ceux fournissant des services essentiels (épiceries, pharmacies), sont fermés jusqu’à nouvel ordre et n’accueillent que 10 personnes à la fois.

Avec 30 % d’aînés, la ville de Côte-Saint-Luc affirme être particulièrement à risque et craint une hécatombe si le virus se propage dans les résidences pour aînés. Selon le maire Bronstein, 3000 de ses 34 000 habitants sont des « snowbirds » qui reviennent du Sud.

Pour l’instant, l’un des cas confirmés de contamination à Côte-Saint-Luc serait relié à un mariage ayant rassemblé environ 250 personnes à la synagogue de la Congrégation Beth Shabad le 12 mars dernier.

« Tous les gens qui y étaient doivent se placer en isolement complet. Les gens doivent pratiquer leur religion chez eux, c’est une urgence. On est tous responsables de ne pas rendre nos proches et les autres malades », a insisté vendredi Anthony Housefather, député fédéral de la circonscription Mont-Royal englobant notamment Côte-Saint-Luc et le quartier Côte-des-Neiges où résident de nombreuses communautés juives.

Pas de quarantaine

 

En point de presse, la mairesse montréalaise, Valérie Plante, et la directrice de la santé publique de Montréal, Mylène Drouin, ont rejeté la requête du maire de Côte-Saint-Luc. Ce n’est pas une « décision qui se prend au niveau local », mais avec le « gouvernement et les ministères concernés », a tranché Mme Drouin.

Elles ont déploré que des rassemblements religieux aient continué d’avoir lieu à Montréal, et ce, malgré les consignes claires émises par Québec. « Avant d’arriver à des mesures coercitives, on demande vraiment aux leaders [religieux] de s’assurer que ces rassemblements cessent dès maintenant », a lancé Mme Drouin.

La Table de concertation des mosquées de la ville de Québec a annoncé la suspension de toutes les prières du vendredi, le vendredi 13 mars.

Le Conseil des hassidiques juifs du Québec (CHJQ) a ordonné la fermeture de toutes les synagogues pour la première fois de son histoire le 18 mars. Un comité spécial d’intervention a été créé par le CJHQ il y a deux semaines pour diffuser les consignes de sécurité auprès des 6000 à 7000 familles des diverses communautés hassidiques.

Des grands rassemblements

 

Si l’on craint les prochains jours dans les communautés hassidiques, c’est que de grands rassemblements familiaux ont eu lieu à l’occasion de la fête du Purim les 9, 10 et 11 mars dernier, et qu’à cette occasion, de nombreux parents en provenance de communautés de New York, ciblées comme des foyers de contamination, ont participé à cette grande fête où les enfants et les hommes se déguisent, et se déplacent en groupe de maison en maison. Ce n’est que le 13 mars que le premier ministre François Legault a interdit les rassemblements de plus de 250 personnes, puis a resserré de jour en jour les consignes pour y ajouter les lieux de culte le 16 mars.

« Nous sommes à 10 jours de la fin du Purim et à ce moment-là, le sujet de la COVID-19 et des lieux de culte n’était pas tant dans l’air. Il reste encore quelques jours pour voir s’il y aura d’autres gens qui développeront des symptômes », a expliqué Max Lieberman, dont le comité a mis en place une ligne téléphonique d’urgence pour répondre en yiddish, la langue maternelle de la majorité des membres de la communauté, aux personnes préoccupées.

Le Shabbat qui s’amorçait vendredi soir s’annonçait très difficile pour la majorité des familles hassidiques, ajoute Abraham Ekstein. « Le rabbin a été très clair, il faut maintenir la distanciation sociale, ce qui est le contraire de notre religion, dit-il. Les familles doivent prier chacune dans leur maison. Les personnes âgées ne seront plus visitées. La Pâque juive approche et ce sera aussi un moment très difficile pour tous ».



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