Saguenay au temps de l’après-Jean Tremblay

Jean Tremblay a beau avoir abandonné la politique, l’une de ses créations — Promotion Saguenay — est au coeur de la campagne électorale dans la ville reine du Saguenay–Lac-Saint-Jean, a constaté Le Devoir.
Trois des quatre candidats à la mairie proposent de faire des changements au sein de cet organisme controversé dont le manque de transparence dérange. Le sujet est si délicat qu’on y a consacré le tiers du débat télévisé à ICI Radio-Canada mardi dernier, autant que pour les finances de la Ville et les infrastructures.
Créé en 2002, Promotion Saguenay est un OBNL qui avait pour but à l’origine de stimuler le développement économique et dont le mandat s’est beaucoup élargi depuis. Il compte 55 employés, gère un budget de 6,5 millions, qui grimpe à 35 millions si on inclut les immeubles dont il est propriétaire.
Ses critiques lui reprochent son opacité et ses liens trop étroits avec le cabinet du maire. Lorsqu’il était au pouvoir, M. Tremblay en était le président, et le poste de directeur était assumé par son ancien chef de cabinet, Ghislain Harvey. L’organisme peut de surcroît donner des subventions sans appels d’offres et n’est pas surveillé par le vérificateur en dépit du fait que 75 % de son budget vient de la Ville.
Visite de l’UPAC

« C’est comme si je prenais le pouvoir et que je le centralisais dans un OBNL », avance la candidate Josée Néron, de l’Équipe du Renouveau démocratique (ERD). À la blague, certains l’appellent « Promotion Tremblay », dit-elle. Meneuse dans la course selon le dernier sondage, Mme Néron a passé les quatre dernières années sur les bancs de l’opposition à la Ville.
Deuxième favori, l’ancien ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn préconise qu’on rapatrie plusieurs missions de Promotion Saguenay à la Ville, dont son pouvoir de donner des subventions.
« La reddition de comptes, ça n’existait pas ici à Saguenay, mais là, ça s’en vient, dit-il. Promotion Saguenay, qui se promenait avec le carnet de chèques pour distribuer des subventions, c’est terminé, ça ! »
Au départ, M. Blackburn devait se présenter au sein du parti créé par Jean Tremblay, le Parti des citoyens de Saguenay (PSC). Or, en août, il a claqué la porte en accusant l’entourage de l’ancien maire de vouloir tout contrôler. « Je ne voulais pas être pris avec leur monde », a-t-il raconté cette semaine lors d’une rencontre à son local.

Peu après, le parti du maire sortant l’a remplacé par Dominic Gagnon, un médecin de l’arrondissement de La Baie dont les envolées verbales ne sont pas sans rappeler celles de Jean Tremblay. Selon M. Gagnon, les attaques contre Promotion Saguenay sont injustes. « Ce qui compte, c’est les résultats, dit-il. Pour 2,8 % du budget [de la Ville], ce qu’ils ont fait à Promotion Saguenay est extraordinaire. »
Que trouvera-t-on au lendemain de l’élection chez PS ? Des squelettes se cachent-ils dans les placards ? Personne n’ose se prononcer là-dessus, mais Mme Néron rappelle que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) est venue faire des perquisitions l’an dernier.
Dans le camp des optimistes, Dominic Gagnon souligne que l’UPAC n’a rien fait depuis. Quant aux affirmations de M. Blackburn sur le contrôle exercé par l’entourage de l’ancien maire, il rétorque que « d’habitude, comme dans n’importe quelle séparation, le problème, c’est 50-50 ».

Minicentrales et Ubisoft
Le quatrième candidat, Arthur Gobeil, croit quant à lui qu’il faut limoger le patron en priorité. Ce comptable à la retraite souhaite aussi soumettre Promotion Saguenay à l’examen du vérificateur général. À son avis, l’organisme n’a pas, de toute façon, la bonne stratégie pour stimuler l’économie locale.
« Le développement économique n’était pas la priorité des gens qui étaient en place », dit cet ancien de Raymond Chabot Grant Thornton, qui souhaite miser sur la création d’incubateurs d’entreprises.
M. Blackburn, lui, suggère de développer deux minicentrales dans le secteur de Jonquière. « Il faut amener des nouveaux revenus en ville pour éviter d’augmenter les taxes », plaide-t-il. Un projet jugé farfelu par la plupart de ses adversaires, dont Arthur Gobeil.« C’est de la bouillie pour les chats », dit-il.
Les quatre candidats s’entendent toutefois pour dire que l’économie de la région reste fragile.

Certes, l’arrivée récente d’Ubisoft a donné lieu à beaucoup d’optimisme et on fonde beaucoup d’espoir sur les projets de Blackrock (un transformateur de métaux), l’usine de liquéfaction de gaz GNL et Arianne Phosphate. « Mais on ne peut pas se permettre de les perdre », note Dominic Gagnon.
Pour le reste, l’un des enjeux clés de cette campagne se trouve au ras du sol. Tous les candidats s’entendent pour dire que les routes sont dans un état lamentable.
Et les routes ne manquent pas à Saguenay ! Avec 1165 km2, la ville a une superficie trois fois supérieure à celle de Montréal, et ce, avec dix fois moins de contribuables pour en payer les coûts d’entretien.
