Mine d'or à Saint-Camille - Les citoyens repoussent Bowmore

Le village de Saint-Camille
Photo: Municipalité de Saint-Camille Le village de Saint-Camille

Devant la détermination de la petite municipalité de Saint-Camille à faire obstacle à ses projets et en raison d'une première vague de refus d'accès que lui ont fait parvenir une quarantaine de citoyens, la minière Bowmore a avisé hier Québec de son intention de mettre fin à son projet d'exploration en vue de créer une mine d'or à ciel ouvert à cet endroit, a appris Le Devoir d'une source bien informée au sein du ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

Avec cette victoire assurée par la fermeté du conseil municipal et la détermination croissante des citoyens à refuser tout accès à leurs propriétés, la petite municipalité, située à une vingtaine de kilomètres au sud d'Asbestos, risque de faire figure de village gaulois dans la bataille citoyenne en cours contre le secteur minier et celui des gaz de schiste.

En effet, hier soir, en assemblée publique, le mouvement local Mine de rien — qui ignorait le désistement de Bowmore — a invité toute la population à envoyer par courrier recommandé des refus d'accès à la minière.

Jusqu'ici, selon Joël Nadeau, le porte-parole de Mine de rien, une quarantaine de personnes ont déjà fait parvenir des avis en ce sens à la minière Bowmore. Le groupe espérait qu'entre 100 et 200 autres citoyens suivraient hier son mot d'ordre à la suite de l'assemblée citoyenne.

Au tour des gaz de schiste

Mine de rien espère que sa stratégie «fera tache d'huile» avec l'envoi de lettres aux sociétés d'exploration gazière comme Junex, qui possède la majorité des «claims» dans cette municipalité, et aux autres sociétés d'exploration qui détiennent des «claims» sur presque toute la rive sud du Québec.

«Si on arrive à se rendre jusque-là, expliquait hier Joël Nadeau au Devoir, et que notre stratégie de blocage du territoire est adoptée par les groupes de citoyens en lutte contre les exploitants des gaz de schiste ou par ceux qui, en Abitibi-Témiscamingue, s'inquiètent de la multiplication des projets de mines à ciel ouvert, on a des chances d'inverser en faveur de l'action citoyenne le rapport de force actuel.»

Cette stratégie de refus d'accès se base sur l'actuelle Loi sur les mines, qui exige à ses articles 65, 170 et 235 la conclusion d'une «entente à l'amiable préalable» pour que le propriétaire de droits souterrains ait accès aux terrains en surface pour des fins d'exploration. Si l'accès à la surface lui est refusé, une minière peut soit renoncer à son projet, soit demander à Québec de confier à un tribunal le soin d'exproprier le ou les récalcitrants en fixant une indemnité.

C'est ce pouvoir prépondérant de la Loi sur les mines sur la planification territoriale et sur le droit de propriété en surface que le monde municipal conteste avec les écologistes et des dizaines de comités de citoyens, y compris dans la nouvelle version élaborée dans le projet de loi 79.

Les citoyens espèrent qu'une pluie d'interdictions crée un problème politique insurmontable pour le gouvernement. Le projet de loi 79 prévoit par contre, devant une mobilisation citoyenne généralisée, que le ministre responsable des mines puisse décréter l'arrêt d'un projet. Mais cela demeurerait une décision discrétionnaire, une possibilité que le monde municipal, les citoyens et les écologistes veulent éliminer totalement.

La coalition provinciale Pour que le Québec ait meilleure mine!, qui a battu le fer contre l'ouverture de la mine à ciel ouvert Osisko, à Malartic en Abitibi, voyait hier dans la multiplication des refus d'accès aux minières et sociétés gazières «une action citoyenne sans précédent dans l'histoire minière du Québec».

Selon le porte-parole de la coalition, Ugo Lapointe, «en invoquant leur droit au consentement préalable et en interdisant à la compagnie Bowmore l'accès à leurs terrains, la municipalité et des dizaines de familles ont amorcé un test sans précédent qui pourrait faire boule de neige au Québec, autant dans les régions minières que dans les régions touchées par les projets d'exploration des gaz de schiste.»

En entretien au Devoir, Ugo Lapointe a ajouté que «s'il accorde à la compagnie ses droits de recourir à l'expropriation, le gouvernement s'exposera à de vives critiques et à un tollé général. Mais s'il n'accorde pas ces droits à la compagnie, il s'expose non seulement à des recours possibles de leur part, mais il ouvre également la porte à la possibilité que les propriétaires et locataires fonciers fassent massivement de même face aux gazières, minières et autres compagnies qui souhaitent exécuter des travaux sur leurs terrains».

La stratégie de Saint-Camille, ajoute Ugo Lapointe, risque d'intéresser beaucoup de citoyens et de municipalités dans les cinq MRC de l'Abitibi-Témiscamingue, qui souhaitent savoir ce qui leur pend au bout du nez avec les nombreux projets de mines à ciel ouvert dont on discute dans cette région. Plusieurs groupes de mobilisation citoyenne entendent d'ailleurs refuser de participer aux groupes de discussion que la Conférence régionale des élus veut organiser avec des représentants de l'industrie et de corps publics pour mieux «tester» l'opposition en puissance à ces projets miniers.

Quant au petit groupe Mine de rien, qui a mobilisé tout Saint-Camille, il entend d'ici la fin de semaine faciliter aux gens de ce milieu l'accès au site Internet du gouvernement pour qu'ils puissent identifier tous les détenteurs de droits souterrains, miniers, pétroliers ou gaziers, afin qu'ils puissent leur faire parvenir un refus d'accès formel.

Au cabinet de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, on refusait hier de commenter la «situation hypothétique» d'un vaste mouvement de refus d'accès adressés aux sociétés d'exploration des gaz de schiste.

Son attachée de presse, Marie-France Boulay, ajoutait que la ministre répète depuis l'automne «qu'elle n'exproprierait personne parce qu'elle est sensible aux préoccupations des citoyens».

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