Montréal - La SHDM congédie son directeur général

À la lumière du rapport de la firme KPMG, la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) a congédié son directeur général, Martial Fillion, suspendu avec solde depuis le 10 octobre dernier. Le rapport, rendu public hier, révèle qu'à trois reprises, M. Fillion a effectué des paiements à Construction Frank Catania sans le consentement préalable du conseil d'administration de la SHDM. Prise dans la tourmente, l'administration de Gérald Tremblay a annoncé son intention de reconvertir la SHDM en société paramunicipale.

Le rapport de la firme KPMG révèle de nombreuses irrégularités commises par le directeur général de la SHDM dans le dossier du Faubourg Contrecoeur. À trois reprises entre le 1er mars 2007 et le 14 juillet 2008, Martial Fillion a signé des chèques totalisant 8,3 millions de dollars sans avoir obtenu l'assentiment du conseil d'administration. Ces paiements étaient liés à la contribution financière de 15,8 millions de dollars accordée par la SHDM à Catania, et au prêt de 14,6 millions consenti au promoteur.

M. Fillion a ainsi contrevenu à la politique administrative de la SHDM qui stipule que les dépenses de 500 000 $ et plus engagées par le directeur général doivent être soumises à l'approbation du conseil d'administration.

Le 14 juillet 2008, le directeur général a signé une entente avec Catania pour le financement des travaux d'infrastructures, ce qui a eu pour effet de modifier des ententes antérieures. Cette fois encore, M. Fillion a agi sans l'autorisation du conseil d'administration.

À la lecture du rapport, on apprend également que Catania a soumis une réclamation pour coûts supplémentaires de 11 millions en mars 2008. La réclamation a été révisée à la baisse à deux reprises pour finalement s'élever à 7,4 millions, peut-on lire dans le document. Le comité de vérification de la SHDM a eu connaissance de ces réclamations le 2 septembre dernier alors que la direction de l'organisme connaissait la situation depuis le printemps.

La plupart des dépenses engagées par M. Fillion et des ententes qu'il a conclues avec le promoteur ont été ratifiées par la suite par le conseil d'administration, signale-t-on.

Compte tenu des entorses commises à la politique administrative de l'organisme et invoquant un «manque de confiance envers le directeur général», le conseil d'administration de la SHDM a résolu, dans une décision unanime, de résilier le contrat de M. Fillion. Celui-ci était en poste depuis 2002. Il dirigeait la SHDM avant que celle-ci ne soit fusionnée avec la Société de développement de Montréal (SDM) pour devenir un organisme privé.

Un ménage à faire

En conférence de presse hier, le maire Gérald Tremblay a dit «prendre acte» du rapport de KPMG. Il a annoncé la nomination de Guy Hébert comme directeur général de la SHDM. Ex-directeur de l'arrondissement de Ville-Marie, M. Hébert occupe les fonctions de directeur général adjoint à la ville-centre à l'heure actuelle.

Désireuse de disposer de pouvoirs accrus au sein de l'organisme, l'administration Tremblay entend revoir la composition du conseil d'administration afin d'y nommer des élus. Au moins cinq postes doivent être pourvus, a indiqué le maire. Montréal mandatera le conseil d'administration afin qu'il mette en place de meilleures pratiques de gouvernance. Un comité de direction conjoint Ville-SHDM sera également mis sur pied pour gérer le dossier du projet Contrecoeur.

Le promoteur Catania a-t-il reçu des avantages indus de la part de la SHDM? Le maire a refusé de répondre à cette question, alléguant que seule l'enquête du vérificateur général de la Ville sur l'ensemble des transactions effectuées par la SHDM permettra de faire toute la lumière sur le dossier. Le rapport doit être terminé d'ici au 15 mars 2009.

L'administration Tremblay demandera aussi à la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, d'émettre de nouvelles lettres patentes afin de redonner à la SHDM le statut de société paramunicipale. La fusion de la SHDM et de la SDM, survenue le 1er janvier 2007 contre l'avis du contentieux de la Ville, avait transformé la SHDM en organisme privé. Malgré la controverse que cette fusion a engendrée, le maire Tremblay soutient que cette décision, qui a été réalisée par mesure d'économie de temps et d'argent, était la bonne. «Ce n'était pas une erreur de procéder de la façon dont nous l'avons fait, mais étant donné les interrogations et la perception, on a décidé d'en faire une paramunicipale», a expliqué le maire.

La ministre Normandeau entend acquiescer à la demande de la Ville, a indiqué hier son attachée de presse, Louise Quintin. «On va le faire dans les règles de l'art, mais on va mettre une priorité là-dessus», a-t-elle dit. Convertir la SHDM en paramunicipale n'effacera pas le passé, et la ministre désire toujours y voir plus clair dans ce dossier embrouillé. Rappelons que le ministère des Affaires municipales n'avait été avisé de la fusion des deux paramunicipales qu'une fois la procédure terminée. Mme Normandeau a d'ailleurs demandé à son sous-ministre d'examiner tous les faits et la chronologie des événements et sollicitera un avis juridique sur le processus utilisé par la Ville.

Fait embarrassant pour le maire, l'agent officiel du parti Union Montréal (UM), Marc Deschamps, et un conseiller juridique du parti, Mario Paul-Hus, ont siégé au sein du comité de sélection appelé à examiner les soumissions dans le dossier du projet Contrecoeur, a-t-il admis hier. Ils ont également fait partie du comité de sélection dans le dossier de la vente de l'immeuble des rues Sussex et Lincoln, a ajouté le maire Tremblay. «Je n'ai aucune raison de douter de leur probité, de leur intégrité et de leur sens des responsabilités. Je n'ai aucune raison de remettre en cause leur conduite au sein des jurys de sélection organisés par la SHDM», a-t-il affirmé en indiquant qu'il avait fait parvenir une lettre au directeur général d'UM afin qu'à l'avenir, des officiels du parti ne puissent participer à des jurys formés par la Ville ou par des instances liées: «Je ne pensais pas un jour émettre ce genre de directive, car, pour moi, c'était évident.»

Rappelons que la SHDM a vendu le terrain du Faubourg Contrecoeur à Catania au prix de 19 millions, mais une somme de 14,6 millions a été déduite de ce montant afin, notamment, de couvrir les frais liés à la décontamination du vaste terrain. Ayant eu vent de certaines irrégularités qu'aurait commises le directeur général, la SHDM avait mandaté la firme KPMG afin d'examiner de plus près son rôle dans le dossier du projet Contrecoeur.

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