180 millions en contrats pour la famille Catania

Les entreprises de la famille Catania, dont l'une est au coeur de l'actuelle controverse immobilière et financière impliquant la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), ont reçu des contrats pour plus de 180 millions de dollars de Montréal depuis que Gérald Tremblay et son bras droit jusqu'à l'été dernier, Frank Zampino, sont arrivés au pouvoir en 2001.
Selon une compilation la plus exhaustive possible effectuée par Le Devoir de tous les contrats concernant Construction Frank Catania ainsi que les entreprises Catcan, il semble y avoir eu explosion du nombre de contrats au cours des six dernières années. Construction Frank Catania s'est vu octroyer presque 40 contrats totalisant quelque 106 millions de dollars. Pour sa part, Catcan a reçu plus de 74 millions au cours de la même période. Au total, il s'agit de plus de 180 millions en contrats.Avant la période de fusions et de défusions municipales, chaque ville avait son répertoire de contrats; les archives de chacune n'ont jamais été regroupées. Ainsi, Le Devoir s'est limité à faire un survol des contrats accordés par Montréal avant 2002, ce qui laisse voir une trentaine de contrats accordés pour quelques millions de dollars à Catania et Catcan, et ce, sur une période de cinq ans. Dès que Gérald Tremblay a mis la main sur l'Hôtel de ville de Montréal en novembre 2001, et qu'il a nommé Frank Zampino à la présidence du comité exécutif, les choses ont changé.
Bien que seule l'entreprise Construction Frank Catania soit pointée dans le dossier de la SHDM, qui a développé le projet résidentiel Contrecoeur dans l'est de Montréal et pour lequel le directeur général, Martial Fillion, a été suspendu afin de permettre une enquête, il apparaît important de souligner également les contrats obtenus par Catcan. Les deux entreprises sont en effet liées: Construction Frank Catania est dirigée par Paolo Catania, fils de Frank et frère de Tony qui, lui, est président des Entreprises Catcan.
Comme on le raconte sur le site Internet de Catania, Frank Catania a fondé en 1963 sa première entreprise sous le nom de Jardiniers modernes un an après avoir immigré au Canada. Cette entreprise deviendra J. M. Asphalte en 1971, puis Catcan en 1976. Quant à Construction Frank Catania, elle fait son entrée sur le marché lucratif des infrastructures en 1987.
Ainsi, les travaux réalisés par Catania et Catcan, tels que recensés à Montréal, concernent très majoritairement des travaux concernant les routes, les égouts, les aqueducs, des ouvrages de génie civil souterrains, d'asphaltage, de trottoirs et d'autres aménagements paysagers. Cette pluie de contrats a été accordée tant par les arrondissements que par le comité exécutif montréalais, le conseil municipal ou le conseil d'agglomération, qui regroupe aujourd'hui Montréal et quinze villes reconstituées.
Construction Frank Catania semble se concentrer surtout sur les grands travaux, comme la modernisation de l'usine de production d'eau de Pierrefonds (5,525 millions) ou les travaux de reconstruction des infrastructures de l'avenue Docteur-Penfield (4,952 millions). À l'inverse, Catcan a surtout réalisé de multiples petits contrats qui relèvent de la responsabilité des arrondissements ou qui sont donnés de gré à gré par des fonctionnaires. Selon les règles d'adjudication de Montréal, seuls les contrats de 24 999 $ ou moins peuvent être accordés sans appel d'offres public.
Ainsi, l'arrondissement de Verdun a accordé à Catcan le 20 décembre 2001, soit deux semaines avant que ne soit officialisée la fusion forcée des villes de l'île de Montréal, 37 contrats. Ce bouquet de mandats variant entre 2000 $ et 49 000 $ atteint presque les trois quarts de millions de dollars.
Plusieurs des contrats semblent être liés à deux ou trois projets. Par exemple, cinq contrats, pour un total de 102 000 $, concernent le parc Lacoursière. La même chose se produit pour le parc de l'Orée-du-Bois (quatre contrats totalisant 43 000 $) et la réfection du boulevard Cerf-Volant (trois contrats pour 11 000 $).
Outre les contrats obtenus par Construction Frank Catania de Montréal et ses différentes instances, il faut ajouter celui pour le développement du site Contrecoeur. Les sommes semblent astronomiques et les transactions soulèvent de nombreux doutes. Du coup, le directeur général de la SHDM, Martial Fillion, a été suspendu à la mi-octobre. Une enquête est en cours.
C'est en 2004 que le projet Contrecoeur commence à prendre forme. À ce moment-là, deux sociétés paramunicipales participent à l'élaboration de la stratégie de développement du site. En parallèle de ces travaux, la Ville procède à la fusion des deux sociétés (SHDM et SDM), qui sont devenues la SHDM. Du même souffle, la SHDM nouvelle version hérite d'un nouveau statut d'entreprise privée contre l'avis du contentieux de Montréal.
Contrecoeur, c'est un immense terrain de quatre millions de pieds carrés (38 hectares) qui appartenait à la Ville, qui l'évaluait en 2007 à 23 459 600 $, soit 5,82 $ le pied carré. La Ville l'a cédé à la SHDM, qui devait le vendre au promoteur pour 19,1 millions. De cette somme, on a toutefois soustrait les coûts pour la décontamination du site (14,7 millions) et les frais engagés par la SHDM (2,1 millions). Les profits prévus devaient atteindre 2,2 millions.
Catania a bénéficié de nombreux contrats depuis pour développer Contrecoeur, les plus récents étant un contrat de 3,6 millions pour l'aménagement d'un parc et un autre de 15,4 millions pour les infrastructures desservant entre autres des logements sociaux.
Avant que l'affaire n'éclate dans La Presse le mois dernier, le président du comité exécutif, Frank Zampino, avait déjà quitté son poste influent depuis juillet. On se rappellera que son départ avait pris tout Montréal par surprise, alors que M. Zampino semblait au faîte de son pouvoir. La SHDM était sous la responsabilité politique de M. Zampino.