Un marché public pousse dans le Centre-Sud

Consommer des fruits et des légumes, c'est bon pour la santé, tout le monde le sait. Mais encore faut-il en trouver facilement près de chez soi. Dans le Centre-Sud, où les marchés d'alimentation sont rares, un marché public vient de voir le jour. Chaque samedi depuis le début de l'été, le marché Frontenac propose des produits frais à la population du coin. Mais ce n'est pas parce qu'on demeure près d'un marché qu'on mange davantage de fruits et de légumes...
Dans une étude publiée en septembre 2006, la Direction de santé publique de Montréal (DSPM) avait qualifié de «déserts alimentaires» certains secteurs de la métropole mal desservis par les commerces de fruits et légumes. Le quartier Sainte-Marie, dans le Centre-Sud, faisait partie du lot. «À l'angle d'Ontario et d'Iberville, on est dans un lieu critique, dans le sens où il n'y a pas beaucoup d'épiceries pour le nombre d'habitants, rappelle Stéphane Dupupet, coordonnateur de l'implantation du marché Frontenac. Majoritairement, les services d'alimentation sont des dépanneurs. C'est souvent comme ça dans les quartiers historiquement pauvres.»Depuis le 31 mai, chaque samedi, les neuf tentes installées dans un stationnement privé accueillent les étals des producteurs agricoles et des vendeurs de produits fins, dont une pâtisserie et une poissonnerie. La réponse a été immédiate, soutient M. Dupupet, qui dit que le marché a déjà sa clientèle d'habitués.
«On s'inscrit totalement dans les mesures prescrites par la Direction de santé publique, qui encourage l'implantation de marchés publics pour augmenter la consommation de fruits et de légumes, ce qui a toute une incidence sur la santé des gens de façon générale», explique M. Dupupet. Mais l'équation n'est pas si simple dans la réalité. Ce n'est pas parce qu'on implante un marché public dans un secteur que les gens, qui n'ont pas l'habitude de consommer des fruits et des légumes, se rueront sur les étals. La population défavorisée de ce quartier, qu'on voudrait tant convaincre, ne se laisse pas séduire si aisément. M. Dupupet le reconnaît d'emblée. Il le constate aussi sur le terrain. «Par contre, on vient satisfaire une clientèle avertie, majoritairement des femmes de 25 à 45 ans qui, de plus en plus, magasinent dans les marchés», dit-il. Cette clientèle avertie, plus instruite et soucieuse d'encourager l'agriculture locale, représente environ 75 % des citoyens qui fréquentent le marché, avance-t-il.
Projet communautaire
C'est dans la foulée de l'étude de la DSPM qu'a germé l'idée d'implanter un marché public dans ce secteur mal pourvu en commerces d'alimentation. Imaginé par la Table de concertation et d'intervention pour une garantie alimentaire locale (CIGAL), le projet s'est concrétisé avec l'aide de la Corporation de développement économique communautaire (CDEC) Centre-Sud-Plateau Mont-Royal, de l'arrondissement de Ville-Marie et de la DSPM.
Indépendant de la Corporation des marchés publics, qui regroupe les grands marchés comme celui d'Atwater et de Jean-Talon, le marché Frontenac rêve de grandeur, mais avec réalisme. «On essaie actuellement d'augmenter le volume de clientèle pour, du même coup, augmenter le volume de producteurs et diversifier au maximum l'offre du marché», indique M. Dupupet.
Le coordonnateur du projet souhaiterait aussi que le marché puisse ouvrir le dimanche, mais pour l'instant les modestes moyens dont il dispose ne permettent pas d'étendre les heures d'ouverture. De toute façon, les producteurs maraîchers peuvent difficilement quitter leurs champs plusieurs jours par semaine, ajoute-t-il.
Les prix sont-ils compétitifs? «Ça dépend du point de vue. Pour les gens qui n'ont pas l'habitude d'acheter des fruits et légumes ou qui courent les spéciaux dans les grandes surfaces, ça peut paraître cher même si ça ne l'est pas, indique M. Dupupet. Par contre, la clientèle avertie trouve les prix corrects, comparables à ceux des fruiteries ou du marché Jean-Talon.»
Ouvert de 10h à 15h le samedi, jusqu'au 11 octobre, le marché Frontenac propose chaque semaine des activités d'animation liées au thème de l'agroalimentaire. Samedi prochain, les clients pourront assister à un défi culinaire opposant soeur Angèle et le chef cuisinier François Xavier Déhedin.