Montréal - Les îlots de chaleur se multiplient

Photo: Agence Reuters

Les superficies boisées ont diminué de 18 % dans la région métropolitaine de Montréal entre 1998 et 2005, et les îlots de chaleur en milieu urbain se sont multipliés au cours des dernières années, révèle une étude rendue publique hier par le Conseil régional de l'environnement (CRE) de Laval. Malgré la disparition progressive des zones de verdure au profit du béton, il n'est pas trop tard pour agir, croit le CRE de Laval, qui souhaite que les municipalités modifient leurs stratégies d'aménagement et protègent mieux leurs milieux naturels.

Le 25 juin 2005, la température enregistrée dans le parc du Mont-Royal s'élevait à 21,8 degrés Celsius, mais non loin de là, à l'angle du boulevard Saint-Laurent et de l'avenue du Mont-Royal, il faisait plutôt 33,5 degrés. L'écart de 12 degrés dans un rayon de moins de 1,5 kilomètre illustre bien le phénomène des îlots de chaleur créés par la suprématie du béton en milieu urbain au profit de la verdure.

Sur une carte satellite présentée hier par le CRE de Laval, les îlots de chaleur sur le territoire de la communauté métropolitaine de Montréal (CMM) apparaissent comme une multitude de petits points rouges. Et ce n'est pas qu'au centre-ville qu'ils sont le plus intenses, mais également le long des corridors autoroutiers et là où on retrouve des centres commerciaux et des parcs industriels, comme celui de l'arrondissement de Saint-Laurent.

«Le territoire de la métropole risque de devenir un four, déplore le directeur général du CRE de Laval, Guy Garand. Le nombre d'îlots de chaleur augmente même si on peut voir les effets bénéfiques de la plantation de végétaux il y a 15 ou 20 ans dans certains secteurs.»

À l'initiative du CRE de Laval, des chercheurs du département de géographie de l'UQAM, de l'Institut de recherche en biologie végétale et du département de géographie de l'Université de Montréal ont examiné l'évolution des cartes satellites en provenance de Landsat entre 1985 et 2005.

Ils en ont tiré des images qui permettent de comparer l'évolution, sur un période de 20 ans, du couvert végétal sur le territoire de la CMM qui compte 82 municipalités. Ils se sont également intéressés aux changements de températures qui y sont survenus pendant la même période. Alors que dans certains secteurs on a enregistré des hausses de température allant jusqu'à 16,9 degrés, ailleurs, la température ambiante s'est rafraîchie, jusqu'à 11 degrés dans certains cas. Comme on pouvait s'y attendre, les zones où les hausses sont les plus importantes correspondent aux secteurs où le développement urbain a été le plus intense, dans la partie ouest de l'île de Montréal et dans les banlieues. À l'opposé, des baisses de température ont été constatées dans des secteurs qui ont été reboisés au cours des 20 dernières années, tels que Rosemont ou Ahuntsic-Cartierville.

«On n'est pas là pour dire "stop" à tout développement, affirme le directeur général du CRE de Montréal, André Porlier. Au contraire, je crois qu'il y a moyen de faire un développement plus intelligent qui permette de concilier la croissance démographique, le développement économique et la protection des boisés. Malheureusement, on constate que, souvent, ces développements se font au détriment des milieux naturels.» C'est le cas du parc René-Masson, où l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles projette de construire sa mairie, rappelle-t-il.

Les représentants des deux organismes s'entendent toutefois pour dire qu'il faut agir de toute urgence pour freiner la disparition progressive des milieux naturels dans la métropole. Les villes de Montréal et de Longueuil ont adopté des politiques de protection des milieux naturels, mais il faut faire davantage et le gouvernement du Québec doit s'en mêler, insistent-ils. Actuellement, la CMM compte environ 4 % d'aires protégées alors que l'Union internationale de la conservation de la nature préconise un taux de protection à 12 %.

Les deux environnementalistes estiment également que les villes devraient sans tarder mettre en place des stratégies de verdissement tout en protégeant les arbres matures. «On entend souvent des promoteurs dire qu'ils vont planter des arbres pour remplacer ceux qu'ils coupent. Mais pour remplacer un arbre mature, ça prend à peu près 70 arbres de deux mètres si on veut compenser les pertes en termes de couvert végétal et de captation de CO2», explique M. Porlier.

L'utilisation de matériaux réfléchissants pour les toits, — au lieu de surfaces goudronnées qui absorbent la chaleur — et de matériaux plus clairs pour les trottoirs figurent aussi parmi les solutions évoquées pour contrer les îlots de chaleur en milieu urbain.

À voir en vidéo