Autre coup de pouce à Griffintown
La Ville de Montréal utilise tous les outils publics à sa disposition afin de soutenir le promoteur immobilier Devimco en vue de la réalisation de son mégaprojet Griffintown. Après avoir donné le feu vert l'automne dernier à l'élaboration d'un plan particulier d'urbanisme (PPU) pour ce quartier industriel, en accord avec Devimco, le comité exécutif a décidé hier d'émettre un avis de réserve foncière pour le périmètre visé pouvant mener à l'expropriation de propriétaires réticents.
Le responsable politique de ce dossier au sein du comité exécutif, Alan DeSousa, a confirmé hier au Devoir l'intention de la Ville d'intervenir en faveur de ce projet d'une «envergure incomparable». L'avis de réserve foncière stoppera toutes les transactions dans ce secteur pendant deux ans et pourra être renouvelé pour deux années supplémentaires.«La réserve foncière vise une intervention à des fins publiques. Ce n'est pas très fréquent pour la Ville de recourir à ce pouvoir. Dans le contexte d'un PPU, la Ville peut le faire», a expliqué M. DeSousa.
Le PPU consiste en la planification des diverses interventions souhaitées par la Ville pour un secteur donné, permettant ainsi la revitalisation ou un développement cohérent selon des critères précis, dont l'intérêt public. Par exemple, la Ville a élaboré un PPU pour le quartier des spectacles, au centre-ville, pour lequel des promoteurs ont déjà présenté divers projets.
Pour Griffintown, le processus est inversé. Il y a deux ans, Devimco frappait à la porte de l'hôtel de ville pour présenter un vaste projet. Au fil du temps, les parties ont convenu, comme le promoteur le souligne lui-même, «des principes directeurs du projet». Une fois le projet défini et bonifié, la Ville a décidé de se doter d'un PPU en novembre dernier, coupant ainsi l'herbe sous le pied d'autres promoteurs souhaitant profiter de l'occasion, tout comme Devimco, pour présenter des projets de développement.
M. DeSousa n'a pas voulu dire si la Ville pourrait être ouverte à d'autres propositions. Il a toutefois indiqué que le PPU aura une portée plus large que le projet de Devimco. «Il faut aller étape par étape et attendre que le PPU soit déposé», a-t-il dit.
Invité à expliquer quel intérêt public il y a à pouvoir exproprier tout un quartier en faveur d'intérêts privés, M. DeSousa a d'abord mentionné que la Ville aura à élargir des rues et à en construire de nouvelles. Il a ensuite parlé de la revitalisation de tout un secteur pour justifier le choix du comité exécutif. «On agit avec prudence. On pense que c'est une revitalisation importante. Mais il est trop tôt pour dire si cette intention [d'expropriation] sera utilisée», a affirmé M. DeSousa, qui se défend de dérouler le tapis rouge à Devimco.
Lors de la présentation publique du projet, la semaine dernière, le président de Devimco, Serge Goulet, avait assuré ne pas avoir besoin que la Ville procède à des expropriations pour mener à bien son projet. Avant Noël, il affirmait même avoir déjà en main suffisamment d'ententes pour aller de l'avant, sans toutefois en préciser le nombre.
Le promoteur immobilier dit offrir avec Griffintown «un nouveau milieu de vie sécuritaire, attrayant et diversifié». Il estime la valeur de son projet résidentiel et commercial à 1,3 milliard de dollars sur une superficie de 1,1 million de pieds carrés.