Tremblay perd trois conseillers
Dure journée pour Gérald Tremblay hier. Le maire de l’arrondissement de Ville-Marie, Benoit Labonté, et deux autres élus d’Union Montréal (UM) ont claqué la porte du parti, accusant le maire de Montréal de manquer de leadership et d’être incapable d’assumer les décisions qu’il prend. Les démissionnaires siégeront désormais comme indépendants.
Responsable de la Culture, du Patrimoine et du Design au sein du comité exécutif, Benoit Labonté en avait gros sur le coeur hier quand il s’est présenté devant les journalistes pour expliquer sa décision. S’il quitte le parti de Gérald Tremblay, c’est qu’il ne croit pas que le maire soit l’homme de la situation. «Il ne suffit pas de se proclamer leader pour l’être effectivement. Le leadership est une chose qui s’assume au quotidien et qui fait partie de la personnalité des gens; on est reconnu leader et on le devient, a lancé M. Labonté. Je ne pense pas que les soubresauts de leadership annoncés au cours des dernières semaines vont être porteurs pour Montréal.»Benoit Labonté a décliné la liste de griefs qu’il avait contre Gérald Tremblay: il a reproché au maire d’avoir manqué de leadership dans ses relations avec le gouvernement du Québec, de ne pas avoir concrétisé la plupart des nombreux projets énoncés lors du Sommet de Montréal en 2002, d’imposer des compressions budgétaires au Service de la culture tout en voulant faire de Montréal un «métropole culturelle d’avant-garde» et finalement de ne pas avoir assumé une position ferme concernant des projets stratégiques comme celui du nouveau CHUM.
Ex-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Benoit Labonté s’était joint à l’équipe de candidats de Gérald Tremblay pour se présenter à la mairie d’arrondissement de Ville-Marie lors du scrutin de 2005. Il l’avait alors emporté contre Robert Laramée, de Vision Montréal (VM). «J’étais fermement convaincu que le deuxième mandat serait sous le signe de l’action et non sous le signe de la tergiversation et qu’on saurait rallier les forces actives de Montréal dans tous les secteurs derrière ce grand projet qu’est le développement de Montréal», a-t-il expliqué.
Il dit avoir amorcé sa réflexion au printemps dernier et ajoute que sa décision résulte d’une série d’événements survenus au cours des derniers mois. L’un d’eux concerne le projet de Quartier des spectacles, un dossier qu’il pilotait et désirait mener promptement même si son empressement causait des tensions au sein du comité exécutif. La semaine dernière, alors qu’il était en Europe, le maire avait décidé de prendre en main la réalisation du projet et d’en confier la gestion technique à la direction générale de la Ville, ce qui a visiblement déplu à M. Labonté et précipité sa sortie.
Benoit Labonté a toutefois nié que sa démission ait pu être motivée par la décision du maire, il y a trois semaines, de lui retirer les dossiers majeurs du centre-ville, comme le CHUM, la gare Viger et la rue Notre-Dame. «Je demeure en accord avec ce principe. Je m’étonne toutefois qu’il ait fallu attendre jusqu’à la moitié du second mandat pour assister à ce soubresaut de leadership», a déclaré le démissionnaire.
Conseillers indépendants
M. Labonté siégera désormais comme indépendant, tout comme son collègue Karim Boulos, conseiller dans le district de Peter-McGill, qui a lui aussi choisi de quitter l’UM. Le parti de Gérald Tremblay perd donc la majorité qu’il détenait dans cet arrondissement.
Benoit Labonté conservera la mairie de l’arrondissement, mais il entend amorcer une réflexion au sujet de son avenir politique au cours des prochains mois. Va-t-il briguer la mairie de Montréal contre son ancien chef lors du prochain scrutin? Il dit l’ignorer pour l’instant. Vision Montréal, qui se cherche un chef, pourrait tenter de le recruter, mais il affirme n’avoir eu aucune discussion avec les membres du parti d’opposition.
La conseillère du district de Saint-Michel, Soraya Martinez, a elle aussi annoncé hier qu’elle démissionnait de l’UM, mécontente de l’attitude de l’administration Tremblay à l’égard des communautés culturelles. Elle siégera comme indépendante au conseil d’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, aux côtés de deux élues de VM et de deux élus de l’UM qui n’y est plus majoritaire.
Le maire de Montréal a dû encaisser le coup hier: «Je suis un peu étonné, mais pas surpris», a-t-il déclaré au sujet de la démission de M. Labonté. «Benoit Labonté dit qu’il chérit la culture; ça me surprend un petit peu qu’à moins de deux mois du Sommet de la culture, qui va se tenir à Montréal, il tire sa révérence, a-t-il ajouté. Il vient de démontrer aujourd’hui, hors de tout doute, que ses ambitions étaient beaucoup plus importantes que la culture et le centre-ville.»
Gérald Tremblay a insisté sur le «double discours» de M. Labonté qui, il y a quelques semaines, avait affirmé son intention de se ranger derrière son chef en vue des élections de 2009.
Avec les deux démissions dans Ville-Marie, le conseil d’arrondissement sera composé de deux élus de l’UM (Sammy Forcillo et Catherine Sévigny), d’un conseiller de VM (Pierre Mainville) et de deux élus indépendants.
Le Devoir