La CAQ veut mieux encadrer les évictions

La pièce législative a été déposée par la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, au dernier jour de la session parlementaire. En photo, la ministre Duranceau à l’Assemblée nationale, en mai dernier.
Jacques Boissinot La Presse canadienne La pièce législative a été déposée par la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, au dernier jour de la session parlementaire. En photo, la ministre Duranceau à l’Assemblée nationale, en mai dernier.

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) a déposé vendredi un projet de loi pour sévir contre les propriétaires qui font des évictions, mais les locataires écoperaient aussi puisqu’ils perdraient le droit de faire des cessions de bail sans l’avis du propriétaire.

S’il est adopté, le projet de loi 31 obligera les propriétaires de constructions neuves à indiquer dans le bail les hausses maximales qu’ils pourraient imposer à leurs locataires dans les cinq prochaines années. Cela donnerait aux locataires une plus grande « prévisibilité », a indiqué la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.

Les groupes de défense des locataires réclamaient davantage, soit l’élimination de la clause F du bail, qui permet ces hausses illimitées. Mais la ministre soutient qu’un tel changement aurait pu freiner la construction de nouveaux logements dans un contexte où les besoins sont criants.

Son projet de loi prévoit aussi des mesures rendant les évictions plus contraignantes pour les propriétaires. Ces derniers auraient un plus gros fardeau de preuve dans le cadre de recours en dommage et intérêts pour éviction.

 

Autre changement : les locataires qui ne répondent pas à un avis d’éviction dans les délais ne seraient pas pénalisés pour leur négligence. Plutôt que de présumer qu’ils sont en accord avec l’éviction, on tiendrait pour acquis qu’ils sont contre.

Concrètement, cela forcerait les propriétaires à justifier devant le Tribunal administratif du logement leur décision d’évincer un locataire.

Dans les cas où des propriétaires invoquent des prétextes pour évincer des gens et hausser les loyers, le projet de loi ne changerait rien, a priori. Par contre, dans les cas où des locataires les traînent devant les tribunaux au civil par la suite pour éviction illégale, il serait plus difficile pour le propriétaire d’avoir gain de cause.

Fini les cessions de bail

Aussi ciblés par des mesures du projet de loi, les locataires ne pourraient de leur côté plus faire des cessions de bail sans que le propriétaire ait son mot à dire. Ce dernier pourrait mettre fin au bail dès qu’il reçoit l’avis de cession.

Une mesure qu’a vivement dénoncée Québec solidaire vendredi. C’est « un recul majeur », a affirmé le député Andrés Fontecilla. C’est l’un des outils « les plus utilisés pour se prémunir contre les hausses de loyer », a-t-il souligné.

Or, les cessions de bail par les locataires sont foncièrement injustes aux yeux de la ministre. « Ça n’a pas de bon sens. T’es propriétaire, tu prends des risques, t’investis ton argent dans un actif et tu n’en as même pas le contrôle. »

Au sujet de la possibilité que le moment soit mal choisi, en raison de la vulnérabilité des locataires, la ministre rétorque « qu’il n’y en aura jamais, de bon moment ».

Le projet de loi a été déposé par la ministre Duranceau au dernier jour de la session parlementaire. Il doit faire l’objet de consultations au Parlement à la rentrée, à l’automne.

Dans les derniers mois, les oppositions au Parlement ont multiplié les pressions sur la ministre pour qu’elle agisse face à la crise du logement et à l’appauvrissement des locataires. Vendredi, Québec solidaire lui a reproché d’avoir agi trop tard et de n’avoir rien prévu pour contenir les hausses de loyer.

La ministre Duranceau se défend en disant que le projet de loi 31 fait partie d’un « cumul de mesures » visant à contrer la crise du logement. Une crise qui « ne va pas se régler du jour au lendemain », mentionne-t-elle aussi.



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