L’aide médicale à mourir est élargie au Québec

Les parlementaires se sont prononcés mercredi matin sur le projet de loi 11 de la ministre Sonia Bélanger.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Les parlementaires se sont prononcés mercredi matin sur le projet de loi 11 de la ministre Sonia Bélanger.

L’Assemblée nationale a adopté mercredi à la majorité la refonte de la Loi concernant les soins de fin de vie, qui fera en sorte de rendre légales les demandes anticipées d’aide médicale à mourir. Attention toutefois : les personnes admissibles pourraient n’y avoir accès que dans deux ans.

Les parlementaires se sont prononcés en matinée sur le projet de loi 11 de la ministre déléguée à la Santé, Sonia Bélanger, qui fait en sorte de réviser les dispositions québécoises encadrant les soins de fin de vie, neuf ans après l’adoption de la première loi en ce sens. Seules deux élues du Parti libéral se sont opposées à son adoption : Filomena Rotiroti et Linda Caron. Le député libéral André A. Morin s’est abstenu.

La révision de la Loi concernant les soins de fin de vie fait suite au dépôt, en 2021, d’un rapport transpartisan incitant Québec à admettre les demandes anticipées. Une fois entrée en vigueur, la nouvelle législation permettra aux Québécois qui ont obtenu un diagnostic d’Alzheimer d’exiger des soins d’aide à mourir avant que leurs capacités cognitives se dégradent. Elle rendra également les personnes touchées par une « déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes » admissibles à de tels soins.

Introduit à la dernière minute, le délai de 24 mois que s’accorde la ministre Bélanger pour mettre sur pied un processus de demandes anticipées demeure. L’élue de la Coalition avenir Québec (CAQ) a cependant précisé mercredi qu’il s’agissait d’une « limite » et non d’un « objectif ».

« J’ai déjà énoncé ma volonté d’un plan d’action très rapide pour la mise en oeuvre », a-t-elle dit à la presse parlementaire quelques minutes après l’adoption de son projet de loi. « On va se mettre en mode travail. J’ai vraiment fait cette promesse-là, et on va y aller le plus rapidement possible. »

La semaine dernière, la ministre avait expliqué ces nouveaux délais en affirmant en entrevue que le Québec devrait s’arrimer au gouvernement fédéral et au Code criminel avant d’aller de l’avant. Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale lui avaient tour à tour reproché de laisser Ottawa intervenir dans les compétences du Québec.

En 2014, l’Assemblée nationale avait adopté sa première loi sur l’aide médicale à mourir en contravention avec le cadre législatif canadien. Le dossier s’était rendu jusqu’en Cour suprême, où l’interdiction prévue au Code criminel de procéder à des soins de fin de vie avait été invalidée. Il avait toutefois fallu attendre jusqu’en 2016 pour que le fédéral adapte ses lois pour légaliser l’aide médicale à mourir.

Pour l’heure, aucune exception pour les demandes anticipées n’apparaît au Code criminel. Elles sont donc illégales aux yeux du droit canadien. En entrevue avec Le Devoir mercredi, Mme Bélanger a juré qu’elle « n’attendra pas » après Ottawa. Jeudi matin, elle enverra une lettre au gouvernement fédéral soulignant l’adoption d’une nouvelle loi à Québec. Elle se fait claire : il n’est pas question d’être à la remorque des lois canadiennes.

« On va leur demander de faire cheminer le Code criminel, a indiqué l’élue caquiste. Je pense qu’envoyer une lettre, c’est un signal clair. Mais on n’attendra pas. »

« Il n’y a pas d’aplaventrisme vis-à-vis le fédéral », a-t-elle ajouté.

Formation et outils cliniques

Plusieurs autres facteurs expliquent le délai maximal de deux ans inscrit dans la nouvelle Loi concernant les soins de fin de vie, selon Mme Bélanger. « On doit rencontrer les ordres professionnels […], on doit mettre en place les programmes de formation, on doit former les professionnels compétents et on doit les former correctement », a indiqué la politicienne mercredi. « On doit faire aussi un registre national. […] On a une série d’outils cliniques à développer. »

Selon la ministre, les formations prendront « quand même quelques heures » à être dispensées. « Je vais tout faire pour que ça se fasse rapidement », a-t-elle dit, en répétant que le délai de deux ans était un délai « maximal ».

Jointe par Le Devoir, la députée de Québec solidaire Christine Labrie a donné sa bénédiction à la ministre. « Elle n’aura pas le choix de procéder rapidement », a-t-elle lancé. Le député du Parti québécois Joël Arseneau a pour sa part rappelé que le Québec avait les « pleines compétences » pour agir dans sa juridiction.

Les parlementaires doivent généralement suivre leur ligne de parti lorsqu’appelés à voter une loi. Dans ce cas-ci, ils ont pu s’exprimer librement, ce qui explique la dissidence de deux députées libérales. Interrogé sur leur positionnement mercredi, le chef de l’opposition officielle, Marc Tanguay, s’est contenté de dire qu’il le « respectait ».

Dans une déclaration, la critique libérale en matière de sécurité publique, Jennifer Maccarone, a salué une « loi importante, qui respecte la dignité et l’autonomie des personnes confrontées à des souffrances intolérables ».
 



Une version précédente de ce texte, qui indiquait qu'il a fallu attendre jusqu’en 2021 pour que le fédéral adapte ses lois pour légaliser l’aide médicale à mourir, a été modifiée. L’aide médicale à mourir a été inscrite au Code criminel en 2016. En 2021, Ottawa l’a élargie pour retirer le critère de mort raisonnablement prévisible en raison de la décision Truchon de la Cour supérieure.

 

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