La commissaire à l’éthique absout Pierre Fitzgibbon pour l’épisode de chasse au faisan

Pierre Fitzgibbon n’a commis aucun manquement aux règles en vigueur lorsqu’il s’est rendu sur une île du lac Memphrémagog pour une partie de chasse au faisan, a jugé la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Pierre Fitzgibbon n’a commis aucun manquement aux règles en vigueur lorsqu’il s’est rendu sur une île du lac Memphrémagog pour une partie de chasse au faisan, a jugé la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet.

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, n’a « aucunement » l’intention de se priver de son prochain voyage de chasse au faisan. Et ce, malgré une mise en garde de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, qui l’a tout de même absous quant à sa participation à cette activité dans un club privé l’automne dernier.

Après le dépôt du rapport d’enquête de Mme Mignolet, qui l’a mis en garde contre les risques de conflits d’intérêts auxquels il s’expose, M. Fitzgibbon a rejeté toute possibilité de procéder différemment lorsqu’il ira de nouveau chasser le faisan sur une île du lac Memphrémagog appartenant à des gens d’affaires fortunés.

« Il y a une ligne entre ma vie personnelle, professionnelle, a-t-il dit avant de se rendre au Conseil des ministres. Ça, c’est ma vie personnelle : ça ne vous regarde pas. »

Dans son rapport, Mme Mignolet conclut que le ministre n’a pas contrevenu au code d’éthique régissant les élus lorsqu’il s’est rendu sur l’île de la Province pour cette partie de chasse qui avait fait l’objet de plaintes de la part de l’opposition.

« La frontière entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle n’ayant pas été franchie en l’espèce, le ministre n’était pas dans l’exercice de sa charge, écrit-elle. Ainsi, il n’a pu se placer dans une situation où son intérêt personnel pouvait influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge. »

Mme Mignolet a toutefois mis en garde le ministre contre les risques auxquels il s’expose s’il répète cette activité dans le même contexte. La commissaire l’a invité à la consulter afin de mettre en place des « mesures de prévention des conflits d’intérêts ». « Bien qu’en l’espèce, rien n’indique que la frontière entre la sphère privée et la sphère professionnelle a été franchie, il s’agit parfois d’un terrain hasardeux », a-t-elle indiqué.

Questionné à ce sujet dans les corridors de l’Assemblée nationale, le ministre a affirmé qu’il n’a « aucunement » l’intention de changer quoi que ce soit dans ses pratiques.

Dans son rapport, la commissaire Mignolet écrit pourtant que la « connexité » entre le domaine d’activité du ministère de M. Fitzgibbon et les dossiers de certaines personnes présentes à la partie de chasse du 22 octobre 2022 justifie une « vigilance accrue » de sa part quant à la participation à cette activité ou à une autre du même genre.

« Il y a, par conséquent, un risque que des recoupements professionnels existent entre le ministre et d’autres personnes participantes ou invitées à l’activité. Un risque qui peut, au demeurant, n’être perçu par le ministre qu’une fois rendu sur place puisque l’identité des personnes invitées n’est pas toujours connue d’avance. »

Mme Mignolet a également étendu cette mise en garde à tous les élus de l’Assemblée nationale concernant des événements du même type. « Des personnes peuvent avoir, en raison de dossiers professionnels connexes aux responsabilités du parlementaire, des liens nécessitant une vigilance accrue », affirme-t-elle.

Hélicoptère et munitions

M. Fitzgibbon a participé à cette partie de chasse au faisan à l’invitation de l’homme d’affaires Maurice Pinsonnault, copropriétaire de l’île de la Province, indique le rapport.

Transporté à l’aller et au retour dans l’hélicoptère d’un autre propriétaire de l’île, M. Fitzgibbon a participé à quatre battues et à des séances de tir au faisan. Un goûter, des rafraîchissements, un cocktail et un repas ont été servis aux convives, à qui on a également fourni des munitions.

M. Fitzgibbon n’a rien déboursé pour cette activité, dont la valeur dépasse le seuil de 200 $ qui oblige les élus à déclarer tout cadeau reçu, selon la commissaire.

Mme Mignolet conclut cependant que le ministre n’avait pas à se soumettre à cette exigence étant donné le contexte privé de cette invitation. La commissaire affirme qu’il y a absence d’interactions professionnelles entre le ministre et le propriétaire depuis la nomination de M. Fitzgibbon au Conseil exécutif, en 2018. Leur relation est ainsi complètement étrangère à l’exercice des fonctions du ministre, ce qui en fait une « relation purement privée », écrit-elle.

La preuve révèle que M. Fitzgibbon et Maurice Pinsonnault sont de bonnes connaissances et qu’ils se voient quelques fois par année dans un contexte personnel. Avant d’être élu, M. Fitzgibbon avait exprimé à cette connaissance son goût de la chasse ; M. Pinsonnault l’a invité pour la première fois en 2018, après l’élection du ministre, mais ce dernier avait dû décliner.

Comme cette invitation ne dépendait pas d’une intervention politique de la part du ministre, Mme Mignolet conclut qu’il a respecté le code d’éthique en l’acceptant.

L’entreprise de M. Pinsonnault, Le Holding Angelcare inc., avait reçu des subventions de 97 840 $ et 68 680 $ de programmes relevant du ministère de M. Fitzgibbon. Mais l’octroi de ces sommes est antérieur à la participation du ministre à la partie de chasse, et ni lui ni M. Pinsonnault n’ont pas été impliqués dans le dossier.

En Chambre, le premier ministre François Legault s’est réjoui de la décision de la commissaire. « Le ministre de l’Économie a été complètement blanchi, il aura le droit de continuer à aller à la chasse au faisan. Par contre, on aimerait avoir des photos de lui avec son habit », a-t-il lancé en faisant référence au costume traditionnel autrichien que revêtent les chasseurs de faisan sur l’île de la Province.

D’abord révélée par Le Journal de Montréal, cette partie de chasse avait fait l’objet de plaintes de la part des élus solidaires et libéraux en décembre. « C’est ridicule, ces accusations des libéraux, avait soutenu M. Legault après la période des questions. M. Fitzgibbon a le droit dans ses temps libres d’aller à la chasse. »

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