Les députés de QS seront libres d’accepter ou non une hausse de salaire

Tout en brandissant un sondage montrant que les trois quarts des Québécois sont opposés à une hausse de 30 000 $ du salaire des députés, Québec solidaire (QS) affirme que les élus de son caucus seront libres d’accepter ou non l’augmentation à laquelle ils s’opposent.
Le co-porte-parole solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a ainsi nuancé la position de son parti, qui avait déclaré que ses députés refuseraient la hausse et la verseraient à des organismes de leur circonscription.
Lors d’un point de presse, mardi, M. Nadeau-Dubois a affirmé que cette ligne de conduite serait adoptée de façon volontaire. « Il n’y aura pas de ligne de parti à Québec solidaire sur les finances personnelles des gens, a-t-il déclaré en point de presse mardi. On a tous des situations différentes, et chaque personne va prendre sa décision. »
La semaine dernière, tout en réclamant le report de la hausse à 2026, QS avait signifié que ses députés augmenteraient substantiellement leurs dons dans leur circonscription, sans plus de précisions, si la hausse proposée était adoptée. « Ce n’est pas un concours de vertu, je ne juge pas ce que les gens font », a dit M. Nadeau-Dubois mardi.
Des députés garderont une partie de la hausse
Le député Vincent Marissal a affirmé au Devoir qu’il conserverait une partie de la hausse proposée, qui ferait passer la rémunération de base de 101 561 $ à 131 766 $ pour les députés. « Je vais la redonner en partie, a-t-il dit au Devoir. Je n’ai pas fait les calculs, je n’ai pas regardé quel est le pourcentage raisonnable, je verrai. »
M. Marissal a expliqué que, contrairement à la vaste majorité des élus du gouvernement et de l’opposition, qui bénéficient de primes pour les fonctions ministérielles ou parlementaires qu’ils exercent en plus de leur tâche de député, il fait partie des 10 élus qui se contentent de la rémunération de base. « On n’est pas tous égaux devant le grand dieu de la paie », a-t-il dit.
M. Marissal a expliqué qu’il jugeait toutefois injustifiée la hausse de 30 % proposée par le gouvernement et appuyée par les libéraux. « On est 10 à ne rien avoir du tout, a-t-il expliqué. Je ne pense pas que je mérite rien du tout, je le dis en toute modestie. On travaille comme tout le monde. Mais 30 %, c’est beaucoup trop. »
Faisant partie du même groupe de députés sans prime, son collègue Andrés Fontecilla a également indiqué qu’il donnerait plus de 50 % d’une éventuelle hausse et conserverait la différence. « Ça concerne mes finances personnelles, les dépenses de ma maisonnée, alors je discute de ça avec ma conjointe, a-t-il dit. J’entends donner une partie substantielle de cette augmentation en dons. »
Manon Massé, Sol Zanetti, Alexandre Leduc, Alejandra Zaga Mendez et Ruba Ghazal se sont engagés à redonner la totalité de cette bonification. Le caucus de QS compte 12 députés.
Il n’a pas été possible de savoir si les dons que feront les députés de QS seront rendus publics si le projet de loi à l’étude proposant la hausse de 30 000 $ est adopté. M. Nadeau-Dubois s’est toutefois engagé personnellement à refuser la hausse et à rendre publics les montants qu’il redistribuera. « Je vais être 100 % transparent, a-t-il dit. Je n’ai rien à cacher. »
QS maintient son refus d’appuyer le projet de loi déposé par le gouvernement. Selon la formation politique, en l’acceptant, les élus se placeraient dans une situation de conflits d’intérêts puisqu’ils se voteraient eux-mêmes une bonification de leur rémunération. « Il faut mettre fin à ce conflit d’intérêts, se doter d’un comité qui est indépendant et qui est surtout décisionnel pour trancher ces questions-là », a dit M. Nadeau-Dubois.
QS a rendu public mardi un sondage montrant que 74 % des répondants sont en désaccord avec la hausse proposée. « Ce que je vois aujourd’hui, c’est que les libéraux et les caquistes voient le sondage, constatent à quel point la population ne les suit pas, a-t-il affirmé. Et là, ils réagissent, ils contre-attaquent, ils nous attaquent. »
Contradictions
En faveur du « rattrapage » salarial proposé, le chef intérimaire libéral, Marc Tanguay, a accusé QS de se contredire, puisque certains de ses députés garderaient une part de la hausse à laquelle la formation s’oppose.
« Alors, aussi sévères nous jugeaient-ils la semaine passée, en disant : “Ça n’a pas de bon sens. On ne le mérite pas. Ce n’est pas ça qui devrait être fait.” Je ne sais pas s’ils ont eu un débat à l’interne, [mais] aujourd’hui, ils disent : “Bien, vous pourrez le garder. C’est bien correct.” Moi, j’ai de la misère à les suivre. »
Mardi, en commission parlementaire, QS a multiplié les propositions d’amendements au projet de loi sur la hausse des salaires des élus afin d’en retarder l’adoption. Le député solidaire Alexandre Leduc a admis qu’il écrivait ses amendements au fur et à mesure des travaux. Le leader parlementaire Simon Jolin-Barrette, qui est responsable du projet de loi, l’a accusé de faire du « piratage parlementaire ».
Jeudi dernier, M. Leduc avait proposé des amendements préconisant des hausses de salaire de 10 000 $ ou 20 000 $, qui ont été rejetés.
Les libéraux ont accusé mardi la formation politique de gauche de brouiller les pistes avec ces propositions. « On ne sait pas où loge Québec solidaire, mais chose certaine, pour eux, 20 000 $, ce serait acceptable », a déclaré Marc Tanguay.
Le premier ministre François Legault en a également profité pour souffler sur ces contradictions apparentes. « Je viens d’apprendre aussi que certains députés de Québec solidaire accepteraient l’augmentation de salaire, a-t-il dit. Donc, je vais les laisser avec leurs contradictions. »