Québec rendra le français obligatoire pour tous les immigrants économiques

« Pour la première fois dans l’histoire du Québec, les candidats à l’immigration économique [devront avoir] une connaissance du français », a déclaré la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette (à droite).
Karoline Boucher La Presse canadienne « Pour la première fois dans l’histoire du Québec, les candidats à l’immigration économique [devront avoir] une connaissance du français », a déclaré la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette (à droite).

Québec lance son offensive pour attirer des immigrants francophones en proposant des réformes majeures des programmes déjà existants. En plus d’ouvrir les vannes aux diplômés du Québec, le gouvernement Legault exigera la maîtrise du français pour tous les immigrants des catégories économiques. Et, fait inédit, les niveaux de français seront modulés en fonction de l’emploi et des qualifications requises.

« Pour la première fois dans l’histoire du Québec, les candidats à l’immigration économique [devront avoir] une connaissance du français. On va exiger une connaissance du français à l’oral, mais dans certains cas à l’écrit », a déclaré la ministre de l’Immigration et de la Francisation, de l’Intégration (MIFI), Christine Fréchette, lors d’une conférence de presse aux côtés du premier ministre François Legault et du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge.

Exit le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ), bonjour le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ). Divisé en 4 volets, ce programme, qui n’aura plus recours à la grille de pointage, élargira la gamme de professions admissible à la sélection permanente, soit des travailleurs hautement qualifiés à moins qualifiés, en passant par les professions réglementées et les « talents d’exception ».

Les niveaux de français exigés seront aussi modulés selon les volets, ce qui était une demande du milieu des affaires, a fait savoir la ministre Fréchette. Par exemple, un travailleur qualifié, comme un designer graphique, devra avoir un niveau 7 en français oral et un niveau 5 à l’écrit. Une préposée aux bénéficiaires ou un camionneur n’auront qu’à prouver l’obtention d’un niveau 5 à l’oral et à l’écrit.

Sur l’échelle québécoise des niveaux de compétences en français, le niveau 7 permet à un individu de fonctionner sans aide et sans connaître un sujet à l’avance, tandis qu’une personne ayant un niveau 5 cherche encore ses mots et ne peut pas discourir facilement sur des sujets sans préparation.

En raison de la grille de pointage qui était au coeur de la sélection du PRTQ, des immigrants qui ne parlait pas du tout français pouvaient se qualifier. Ce ne sera plus le cas, a assuré la ministre Fréchette.

 

Les futurs investisseurs et entrepreneurs voulant s’installer au Québec devront aussi faire la preuve qu’ils détiennent un niveau 7 en français et qu’ils ont séjourné temporairement au Québec pendant un certain temps.

Le ministère de l’Immigration souhaite également que les demandes de sélection et de résidence permanente des travailleurs qualifiés soient traitées dans un délai de 12 mois, et en appelle à la collaboration du fédéral, qui a aussi son rôle à jouer.

Allègements au PEQ étudiants

Quant au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), il sera encore modifié et reviendra pratiquement à sa version initiale, avant que Simon Jolin-Barrette ne procède à une réforme en 2019, qui avait suscité un tollé. Désormais, les diplômés n’auront plus à détenir l’expérience de travail exigée ni l’obligation d’être en emploi au moment de la demande.

Ils devront toutefois avoir obligatoirement étudié dans un établissement postsecondaire francophone. Par exemple, un étudiant en médecine dans une université anglophone ne se qualifiera pas, a-t-on expliqué. Sauf si cette personne peut faire la preuve qu’elle a préalablement étudié au moins trois ans en français.

« Il faut miser sur les étudiants qui viennent chez nous », a dit la ministre Fréchette. « Ils prennent racine ici, ils s’installent et on veut les garder. »

Ces changements surviennent alors que le PEQ, une voie rapide d’immigration permanente pour les personnes ayant un bon niveau de français, a connu une chute radicale de ses admissions, avait révélé Le Devoir le mois dernier. Ils étaient quatre fois moins nombreux en 2022 qu’en 2021.

Même s’il admet qu’il a des « pouvoirs limités » en matière de réunification familiale, qui est gérée par le fédéral, le gouvernement du Québec exigera néanmoins du garant qu’il soumette un plan d’intégration, qui pourrait comprendre des détails sur la manière dont la personne se francisera. La ministre Fréchette a toutefois admis que le Québec n’aura pas les leviers pour faire respecter ce plan.

Des applaudissements et des réserves

 

Le milieu des affaires a « applaudi » ces changements annoncés par le gouvernement. Selon le Conseil du patronat du Québec, cela répond à neuf des dix propositions contenues dans son livre blanc sur l’immigration. « Le gouvernement s’est rendu à l’évidence en modifiant les règles du jeu pour les rendre plus flexibles et adaptées au marché du travail », a-t-il laissé savoir par voie de communiqué.

En plus de déplorer l’absence de mesures concrètes mieux régionaliser l’immigration, le député solidaire de Saint-Henri–Saint-Anne, Guillaume Cliche-Rivard, constate que la ministre fait « marche arrière » sur le Programme de l’Expérience québécoise. « [Elle] désavoue la réforme Jolin-Barrette sur le PEQ étudiant », a-t-il dit.

Le député libéral de Nelligan, Monsef Derraji, abonde sur ce point. « Les nouvelles mesures du PEQ sont une admission claire de l’erreur majeure que Legault, Simon Jolin-Barrette et les caquistes ont commise dans le mandat précédent. Ils essaient maintenant de recoller les pots cassés. »



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