Québec propose deux scénarios de seuils d’immigration, dont un à 60 000
![«À partir du moment où on est capables […] de dire que l’augmentation c’est seulement des francophones, ça vient complètement changer la situation», a expliqué le premier ministre François Legault jeudi.](https://media1.ledevoir.com/images_galerie/nwd_1498216_1153987/image.jpg)
Québec propose deux scénarios en immigration pour renverser le déclin du français au cours des prochaines années : un maintien des seuils d’entrée actuels ou une hausse à 60 000 nouveaux arrivants par an.
C’est ce qu’a annoncé le premier ministre François Legault jeudi, lors d’une conférence de presse à grand déploiement avec sa ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, et son ministre de la Langue française, Jean-François Roberge.
Pour l’instant, le Québec maintient une cible d’accueil de 50 000 immigrants par année. L’an dernier, le chef caquiste, François Legault, avait affirmé qu’il n’était « pas question » de la dépasser. En campagne électorale, il était allé plus loin en soulignant qu’il « serait un peu suicidaire » pour la santé du français de l’augmenter.
Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) met désormais de l’avant deux options. Celles-ci seront étudiées durant les consultations publiques sur l’immigration prévues cet automne. S’il va de l’avant avec son scénario à la hausse, il fera grimper les seuils d’environ 10 000 nouveaux arrivants d’ici 2027. Par le biais d’un projet de règlement, il exigera par ailleurs que l’ensemble des immigrants économiques admis au Québec parlent français.
« Évidemment, je m’attends à avoir la question : “M. Legault, vous avez dit que plus que 50 000, ce serait suicidaire” », a lancé le premier ministre en conférence de presse, jeudi. « Bien, ça serait suicidaire pour l’avenir du français. Mais à partir du moment où on est capables […] de dire que l’augmentation c’est seulement des francophones, ça vient complètement changer la situation. »
Si Québec adopte ce scénario de hausse, il ne fixera pas de plafond dans l’accueil des diplômés passés par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), qui subit par ailleurs une nouvelle réforme. Le nombre effectif d’immigrants accueillis annuellement pourrait donc grimper davantage. Ceux-ci étaient 2000 en 2022, mais 8000 en 2021.
L’option à 60 000 n’est pas sans risque, selon le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Dans son cahier de consultation rendu public en matinée, Québec convient qu’il s’engagerait sur un fil de fer en choisissant de s’éloigner du statu quo.
« Malgré le manque de main-d’oeuvre constaté dans plusieurs domaines, une augmentation annuelle des niveaux d’immigration ne doit pas entrer en conflit avec la capacité d’accueil et l’intégration en français au Québec », précise-t-on dans le document déposé jeudi au Salon bleu par la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette.
Sous pression
L’an dernier, le Conseil du patronat du Québec avait recommandé au gouvernement du Québec de faire grimper ses seuils jusqu’à 100 000 immigrants par année pour pallier la pénurie de personnel. Lors de la campagne électorale, le Parti libéral du Québec avait fixé sa cible à 70 000 personnes ; Québec solidaire, entre 60 000 et 80 000.
Interrogé à savoir s’il cédait à leur pression, François Legault a affirmé qu’une seule raison lui permettait de rompre avec ses propos passés : « le fédéral est ouvert à ce qu’on augmente seulement l’immigration économique, qu’on contrôle ».
Or, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration lui donne déjà ce droit. « Moi je suis très surpris d’entendre le premier ministre », a lancé le porte-parole de Québec solidaire en matière d’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, lors d’un point de presse à Québec jeudi. « Ça fait très longtemps qu’on le sait qu’on peut tout à fait augmenter notre seuil économique sans avoir la permission du fédéral. »
Et les immigrants temporaires ?
Le critique en matière d’immigration du Parti libéral du Québec, Monsef Derraji, a, lui, reproché au gouvernement Legault d’évacuer toute une proportion d’immigrants de son analyse : les temporaires. À la fin 2022, ils étaient 300 000. « Ces personnes utilisent les mêmes services que les permanents : logement, services publics, garderies, [services de] santé », a-t-il souligné.
Le député Pascal Bérubé s’inquiète pour sa part pour l’impact de ces résidents non permanents sur le français. « Quel était le slogan à l’origine ? “En prendre moins, mais en prendre soin.” Maintenant : “en prendre beaucoup plus, et on n’en parle plus” », a-t-il illustré.
François Legault s’est justifié jeudi en soutenant qu’il s’agit là d’une première étape. Au début du mois, le premier ministre François Legault avait émis son désir de rehausser les exigences de maîtrise de la langue de Molière pour les immigrants tant permanents que temporaires. « Pour l’instant, le gouvernement du Québec n’exige pas la connaissance du français [des immigrants temporaires]. Donc, il y a encore de la place pour agir. Ce sera dans une deuxième étape », a dit le chef du gouvernement jeudi.
Le gouvernement caquiste en appelle à un « réveil national » en matière de protection du français. Si bien qu’il a lancé cet hiver un Groupe d’action pour l’avenir de la langue française (GAALF), où siège entre autres la ministre Fréchette. Un plan d’action suivra.