Manque de lits et de médecins pour les personnes ayant des troubles mentaux graves

Les personnes ayant «des troubles mentaux graves» ont des «besoins chroniques» de soins et de services, note la vérificatrice générale.
Fang Xia Nuo Getty Images Les personnes ayant «des troubles mentaux graves» ont des «besoins chroniques» de soins et de services, note la vérificatrice générale.

La vérificatrice générale constate de graves « manquements » dans les services offerts aux cas les plus lourds en santé mentale qui doivent notamment attendre près de deux ans avant d’avoir accès à un médecin de famille.

« Des manquements dans l’offre de soins et de services à cette clientèle peuvent […] mener à des conséquences graves », prévient la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, dans un rapport rendu public jeudi.

La catégorie des personnes ayant « des troubles mentaux graves » inclut les personnes ayant reçu des diagnostics de schizophrénie, de troubles psychotiques et de troubles dépressifs majeurs. Beaucoup composent de surcroît avec d’autres problèmes (plus d’un trouble mental, problèmes de consommation, maladie physique…). Ces personnes ont des « besoins chroniques » de soins et de services.

Or, la vérificatrice a découvert qu’elles attendaient en moyenne 709 jours, soit près de deux ans, avant d’avoir accès à un médecin de famille, soit davantage que la moyenne des Québécois. Pis encore, note Mme Leclerc : ces données ne tiennent même pas compte des centaines de personnes malades qui ne sont même pas inscrites sur la liste d’attente. 

Liens avec la crise du logement

À partir de données de la Capitale-Nationale et du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, elle constate aussi que les hôpitaux manquent de lits pour les traiter, en partie à cause de la crise du logement.

À l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM), les 287 lits étaient pris « à presque 100 % » au moment de l’audit. Or, 38 % de ces places étaient occupées par des personnes n’ayant plus besoin de soins.

La « situation est particulièrement préoccupante au CIUSSS de l’Est de l’Île », où les délais moyens d’attente pour les différents types d’hébergement oscillent entre 173 et 337 jours.

La vérificatrice générale note que le manque de logements abordables « limite » la sortie des usagers se portant mieux.Il s’agit, dit-elle, d’un véritable «cercle vicieux». Elle constate aussi qu’il n’y a pas suffisamment de ressources d’hébergement adaptées « aux besoins des clientèles de plus en plus lourdes (toxicomanie, judiciarisation…) ».

Manque de psychiatres au public

 

L’audit s’est particulièrement attardé aux grands utilisateurs des urgences (GUU) en santé mentale, dont les parcours dans le réseau sont désorganisés.

En 2021-2022, plus de 106 000 Québécois sont passés par l’urgence en raison d’un trouble mental courant au grave. Parmi eux, 5223 étaient des GUU, selon l’évaluation de la vérificatrice.

À Québec, ces personnes doivent attendre en moyenne 45 heures sur une civière dans les urgences ordinaires avant d’être transférées à l’Institut universitaire en santé mentale (IUSMQ).

Les deux tiers de ceux qui quittent l’hôpital y retournent dans un délai de six mois, alors que c’est seulement le cas de 28 % de l’ensemble des patients.

D’emblée, le personnel traitant n’a souvent pas accès au dossier complet de la personne, les informations étant éparpillées dans les établissements, parfois en format papier.

Guylaine Leclerc est également préoccupée par la pénurie de psychiatres dans les installations publiques où aboutissent la majorité des personnes atteintes de troubles graves.

 

Les psychiatres sont de plus en plus nombreux à exercer exclusivement en cabinet alors que 11,8 % des postes sont vacants dans le réseau public (une situation encore plus fragile dans l’Est de Montréal avec 15,2 %).

Or, les psychiatres en cabinet traitent généralement des problèmes psychiatriques moins graves (comme l’anxiété, la dépression mineure, etc.) et ne pratiquent pas de nuit, relève la vérificatrice. À Québec, l’IUSMQ manque de psychiatres pour faire du suivi dans la communauté auprès des cas plus complexes.



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