Réquisitoire des cadres contre les médecins

L’Association du personnel d’encadrement du réseau de la santé et des services sociaux juge que les dysfonctionnements du système découlent du compromis conclu en 1971 entre l’État et les médecins à qui on a accordé le statut de travailleur autonome.
iStock L’Association du personnel d’encadrement du réseau de la santé et des services sociaux juge que les dysfonctionnements du système découlent du compromis conclu en 1971 entre l’État et les médecins à qui on a accordé le statut de travailleur autonome.

La réforme Dubé est vouée à l’échec si le gouvernement ne revoit pas le mode de rémunération des médecins, plaide un regroupement de cadres dans un mémoire en forme de réquisitoire contre les dérives de ce qu’ils appellent « le système médical ».

L’Association du personnel d’encadrement du réseau de la santé et des services sociaux (APER) juge que « si les médecins étaient des employés du réseau », plutôt que des travailleurs autonomes, ils le comprendraient mieux et le rendraient plus efficace.

« Les médecins n’ont pas le temps de gérer leur propre horaire, ils annulent des rendez-vous ou chirurgies à la dernière minute, arrivent en retard en exigeant d’avoir le personnel en place même si nous devons les payer à temps supplémentaire, ne sont aucunement encadrés en ce qui concerne le nombre de tests, etc. », peut-on lire dans un mémoire déposé mardi soir qui cible surtout les médecins spécialistes.

Le regroupement, qui représente 1400 cadres intermédiaires et supérieurs dans le réseau, était le dernier groupe mardi, à participer à la commission parlementaire sur le projet de loi 15 et la création de l’agence Santé Québec.

Le ministre Christian Dubé a accueilli ces commentaires en disant qu’il ne voulait pas « faire de débat sur les médecins ». Il a toutefois demandé à l’APER de lui dire quels « leviers » il pourrait donner aux gestionnaires du réseau afin qu’ils puissent imposer certaines décisions aux médecins, ce qui n’est pas possible pour l’instant.

Le compromis de 1971

 

Aux yeux de l’APER, les dysfonctionnements du système découlent du compromis conclu en 1971 entre l’État et les médecins à qui on a accordé le statut de travailleur autonome. Cette « concession majeure » a créé deux systèmes distincts : le « système médical » et le système de santé et de services sociaux. « Ces deux systèmes fonctionnent en parallèle et ils ne s’aiment pas ».

L’APER ajoute que les réformes des 25 dernières années ont « sabré » dans les ressources du système de santé et des services sociaux « sans pour autant toucher à la même hauteur le système médical ».

La réforme Barrette s’est notamment traduite par l’abolition de plus de 2000 postes de cadres. Elle constitue d’ailleurs un plus grand « traumatisme » que la pandémie elle-même chez les membres du regroupement, selon un sondage interne.

Les chefs de département clinique dans le collimateur

 

L’Association du personnel d’encadrement s’insurge en outre contre les pouvoirs que le projet de loi 15 donnerait aux chefs de département clinique (des médecins), dans les hôpitaux. Ces derniers, auraient notamment autorité sur les chefs de service, des cadres.

Cela risque, dit l’APER, d’entraîner un « chaos » parce que les médecins sont « débordés », n’ont « aucune formation en gestion et très peu d’intérêt envers le sujet », etc. À l’heure actuelle, les cadres et les médecins travaillent en co-gestion.

La directrice de l’APER, Anne-Marie Chiquette, a affirmé que la co-gestion fonctionnait très mal, mais le ministre Dubé a martelé que ça allait bien « dans 80-90 % des cas ».

L’APER est le second regroupement de cadres à dénoncer cet aspect du projet de loi. L’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS) a demandé au ministre de maintenir le principe de co-gestion de la gouvernance administrative et clinique « sans assujettir un secteur à l’autre ».

Rappelons que le projet de loi 15 vise notamment à confier aux médecins spécialistes davantage de « responsabilités populationnelles ».

D’abord réticente, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) s’est montrée de plus en plus ouverte à la collaboration dans le cadre du PL15, ces dernières semaines.

Elle vient d’ailleurs de conclure une entente avec le ministre Dubé afin de réduire les délais d’attente en chirurgie.

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