Sous pression, le député Pierre Dufour refuse de démissionner

Le député Dufour est sous pression en raison de ses commentaires sur la situation délicate qui prévaut à Val-d’Or. En photo, Pierre Dufour à l’Assemblée nationale, en juin 2019.
Jacques Boissinot Archives La Presse canadienne Le député Dufour est sous pression en raison de ses commentaires sur la situation délicate qui prévaut à Val-d’Or. En photo, Pierre Dufour à l’Assemblée nationale, en juin 2019.

Le député caquiste d’Abitibi-Est, Pierre Dufour, reste sourd aux nombreux appels à la démission : il a défendu mardi les propos qu’il a tenus au conseil municipal de Val-d’Or le 15 mai dernier au sujet des relations entre les policiers et les Autochtones, allant jusqu’à justifier son allusion à « un tas de merde ».

« Le “tas de merde”, je vais vous l’expliquer, a-t-il lancé à son arrivée à l’Assemblée nationale. J’ai voulu faire une analogie à la mairesse avec le tas de merde en disant : “Vous venez d’arriver en 2021. La problématique n’est pas arrivée, boum, en 2021. C’est une chronologie d’événements qui font en sorte qu’on arrive à ce chaos-là en ce moment.” »

Quand les journalistes lui ont demandé s’il restait en poste, M. Dufour a répondu par l’affirmative. Il a par ailleurs dit « déplorer » le fait « qu’on essaie toujours de ramener ça à un dossier racisé ».

« Ce n’est pas un dossier racisé. Dans l’itinérance, il y en a de toutes les couleurs, il y a toutes sortes de gens », a-t-il lancé, en soulignant que « ça ne lui dérange pas » de donner un café à une personne itinérante, parfois.

Le député Dufour a ensuite affirmé que « 60 à 65 % » des personnes en situation d’itinérance à Val-d’Or étaient autochtones. Une situation « normale », puisque plusieurs services pour les Autochtones y ont été développés au fil des ans, a-t-il rappelé.

Son collègue Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, a quant à lui admis avoir reçu plusieurs appels depuis les déclarations de son collègue.

« Je peux comprendre les réactions, en passant. Cependant, nos actions parlent », a-t-il lancé. M. Lafrenière a dit s’être « fait un devoir de parler aux partenaires du milieu », sur le terrain. « On a toujours la même intention d’avancer », a-t-il assuré, avant de reconnaître qu’il reste « beaucoup de travail à faire ».

Une séance houleuse

Le député Dufour est sous pression en raison de ses commentaires à propos de la situation délicate qui prévaut à Val-d’Or. Au cours des dernières semaines, la municipalité a pressé le gouvernement Legault de « prendre ses responsabilités » pour lutter contre la délinquance et l’itinérance au centre-ville. La mairesse Céline Brindamour a présidé le 15 mai une séance houleuse, au cours de laquelle près d’une centaine de personnes se sont présentées pour lui demander d’agir.

Dans cette même séance, le député Dufour a critiqué le travail de la commission Viens, mise sur pied après un reportage sur de présumés abus policiers sur des femmes autochtones de Val-d’Or. « Vous avez travaillé, depuis votre arrivée en poste, avec un tas de merde qui a été créé particulièrement depuis 2015 lorsqu’il y a eu l’émission Enquête, une émission bourrée de menteries qui a attaqué des policiers très honnêtes », a-t-il notamment lancé à la mairesse.

Depuis, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador a réclamé la démission du député Dufour. Québec solidaire en a fait autant mardi. « M. Dufour n’a pas agi à la hauteur de sa fonction et ne peut donc plus représenter adéquatement les citoyens de sa circonscription », a écrit la députée Manon Massé sur Twitter.

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, s’est quant à lui gardé de réclamer le départ de M. Dufour. « Mais c’est une question qu’il devrait se poser », a-t-il ajouté. De l’avis du chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, la Coalition avenir Québec devrait « se ressaisir et cesser de faire des choses qui rendent les excuses nécessaires tous les jours ou toutes les semaines ».

Un élu qui « a failli à son devoir »

Le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec a aussi publié une déclaration mardi. « En tant qu’élu, M. Dufour a failli à son devoir », ont écrit ses représentants. Ils lui ont reproché de tenir un discours qui « vient nuire à la paix sociale, aux initiatives de réconciliation entre les peuples et aux efforts de collaboration entre les organismes et les institutions autochtones et non autochtones oeuvrant sur le terrain ».

M. Dufour a refusé de dire qu’il avait pu envenimer une situation déjà tendue. « Moi, ça fait depuis l’automne, depuis août que je reçois des courriels, des gens à mon bureau, des textos, plein, plein d’avis de gens qui disent : “Là, M. Dufour, on ne sait plus où aller, à quelles portes cogner.” Il y a des propriétaires de boutiques qui barrent leurs commerces, […] des banques qui ont [réduit leurs heures d’ouverture] », a-t-il illustré.

À son avis, « tout le monde veut bien faire, mais tout le monde travaille un peu trop en silos ». « Donc, il faut trouver une cohésion là-dedans pour arriver à des objectifs communs pour, justement, enrayer cette problématique d’agressions », a-t-il suggéré.

Au Salon bleu, le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a assuré que davantage de ressources policières seraient déployées à Val-d’Or. « C’est un problème qui n’est pas simple », a-t-il laissé tomber.

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