Nouveau plaidoyer de Québec solidaire pour la régularisation des sans statut

Québec solidaire (QS) exige du gouvernement Legault « une action très rapide » pour régulariser des milliers de jeunes et leurs parents qui ont actuellement un statut précaire, certains étant menacés d’une expulsion imminente. Pour donner du poids à cette demande, des représentants du parti ont invité à l’Assemblée nationale des jeunes sans statut qui ont exprimé en français leur désir de rester au Québec.
Déraciner ces jeunes du Québec serait « dramatique », a fait valoir le député de Saint-Henri–Sainte-Anne, Guillaume Cliche-Rivard, qui a oeuvré comme avocat en immigration. « Si on ne met pas rapidement un programme québécois en place pour leur donner une voie d’accès à la résidence permanente, on risque de perdre ces jeunes-là. Ce serait très dramatique pour eux et, bien sûr, pour nous. »
M. Cliche-Rivard a expliqué que ces jeunes, et leurs parents, sont en situation légale sur le territoire canadien, même s’ils attendent une lettre leur indiquant la date de leur renvoi. Ils se sont retrouvés avec un statut précaire soit parce qu’ils sont restés au pays après que leur visa d’études ou leur permis de travail a expiré, soit parce que leur demande d’asile a été rejetée. « Ils n’ont pas de statut, mais ils sont légalement reconnus. Ils attendent malheureusement leur convocation fatidique. »
Selon le député, ces jeunes vivraient un déracinement s’ils étaient renvoyés. « Certains sont là depuis qu’ils ont 8 ans, 9 ans, 10 ans, tout ce qu’ils ont connu, tout ce dont ils se souviennent, c’est ici, au Canada. Leurs amis sont ici, leurs rêves sont ici. »
M. Nadeau-Dubois a quant à lui soutenu qu’il était « injuste » de ne pas régulariser ces jeunes, qui ont « rempli leur part du contrat ». « Ils ont appris le français, ils se sont intégrés et travaillent fort […] ils veulent construire le Québec avec nous et on va leur fermer la porte ? » a-t-il déclaré. Ce serait également absurde de ne pas les accueillir alors qu’on est en pleine pénurie de main-d’oeuvre, a-t-il ajouté.
Le Québec a « le devoir » de ne pas les laisser tomber, croit-il. « C’est ce que je demande au gouvernement de François Legault. Laissez-les rester. »
Touchants témoignages
Parmi une poignée de jeunes, trois ont osé prendre le micro pour livrer de touchants témoignages. Shivani Sachdeva, âgée de 20 ans, a expliqué qu’elle était assistante gérante dans un Couche-Tard et qu’elle voulait devenir comptable. « Je pense qu’avec cette expérience, je vais ouvrir mon entreprise. »
Harshpreet Singh, un étudiant de 2e secondaire de l’école Lucien-Pagé arrivé en 2018 avec sa famille, a parlé, dans un très bon français, de son souhait de poursuivre ses études ici. « Mes matières préférées sont les mathématiques et les sciences, j’aimerais devenir ingénieur mécanique, a-t-il dit. J’avais de la difficulté à comprendre le français, mais j’y ai mis du temps, et finalement, j’ai réussi à parler et à écrire. »
Le Devoir a pu s’entretenir un peu plus longuement avec Jaskamal Singh, un étudiant d’origine indienne en 3e secondaire à l’école secondaire Lucien-Pagé. Pour lui, tout irait bien dans le meilleur des mondes si ses parents et lui n’étaient pas devenus des sans statut lorsqu’ils ont décidé de rester après que leur demande d’asile, faite en 2017, a été rejetée. Retourner au Pendjab, où certains agriculteurs, comme l’étaient ses parents, peuvent être à risque en raison des conflits qui sévissent, n’était pas une option.
« C’est difficile de ne pas avoir de statut. Je ne peux pas aller au cégep », a laissé tomber l’étudiant de 16 ans. Le jeune homme, qui rêve de devenir policier, craint de devoir retourner au Pendjab après six ans au Québec. « Je ne sais pas comment bien parler et écrire le punjabi, a-t-il confié. On ne va pas m’accepter. »
Qu’est-ce qu’un statut de résident permanent changerait ? « Notre vie ne serait plus en danger », a-t-il répondu, en faisant toujours référence à la crainte de retourner dans son pays. « Mes parents ne peuvent pas travailler quelque part, comme ça. Ils ne peuvent pas acheter une maison, une voiture. »
Québec a un rôle à jouer, dit QS
Pendant sa campagne pour se faire élire dans Saint-Henri–Sainte-Anne, Guillaume Cliche-Rivard avait fait de la régularisation l’un de ses principaux chevaux de bataille. Sa proposition permettrait la régularisation des personnes sans statut qui sont au pays depuis au moins cinq ans, mais les familles comptant au moins un enfant résidant au Québec seraient admissibles sur-le-champ. « On parle de 10 000 personnes pour l’an 1 », a réitéré le député.
Il a insisté sur le fait qu’un tel programme de régularisation ne relevait pas uniquement de la compétence d’Ottawa. « Il suffit que la ministre le dise et ça pourrait être fait », a-t-il soutenu, en rappelant que le Québec avait « joué un rôle central » dans la mise sur pied du programme des anges gardiens, voué à la régularisation de personnes à statut précaire qui ont travaillé pendant la première vague de la pandémie.
« Québec émettait des certificats de sélection du Québec [CSQ] et Immigration Canada donnait la résidence suivant le CSQ. C’est essentiellement la même chose qu’on demande. […] Le Québec a toute la législation et l’autorité pour le faire. »
Comme le rapportait Le Devoir lors de la récente étude des crédits budgétaires, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, n’avait pas fermé la porte à un tel programme, soutenant du même souffle qu’il était encore trop tôt pour qu’elle se prononce sur cette question. Son attaché de presse, Alexandre Lahaie, a rappelé que la ministre avait toujours la même position. « On attend de voir ce que le fédéral va nous proposer. Il nous a fait part de son intention d’agir dans ce dossier et on ne sera pas fermés. » À l’heure actuelle, la conversation sur le sujet a lieu entre les ministères de l’Immigration des deux ordres de gouvernement.