Airbnb refuse de s’adresser aux élus de l’Assemblée nationale

L’entreprise américaine Airbnb, qui affiche des dizaines de milliers de logements en territoire québécois, est dans la tourmente depuis qu’il a été révélé ce printemps que plusieurs de ses annonces ne respectaient pas la loi.
Lionel Bonaventure Agence France-Presse L’entreprise américaine Airbnb, qui affiche des dizaines de milliers de logements en territoire québécois, est dans la tourmente depuis qu’il a été révélé ce printemps que plusieurs de ses annonces ne respectaient pas la loi.

Directement visée par le projet de loi 25 révisant l’hébergement touristique, l’entreprise Airbnb a tout de même refusé mardi de se présenter devant les élus de l’Assemblée nationale pour commenter le texte législatif.

Le site Web spécialisé dans les locations à court terme devait participer en matinée aux consultations particulières entourant le projet de loi « visant à lutter contre l’hébergement touristique illégal ». Or, en début de journée mardi, son nom avait été effacé de la liste.

La raison évoquée : « les représentants d’Airbnb ont décliné l’invitation à participer aux consultations », a indiqué au Devoir la secrétaire de commission affectée à l’étude du projet de loi 25. Le texte de loi de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, encadre pourtant directement les plateformes de location en ligne en les forçant à attester la légalité des annonces qu’elles contiennent.

Dans un mémoire déposé mardi à l’Assemblée nationale, Airbnb, qui affiche des dizaines de milliers de logements en territoire québécois, a justifié sa décision de décliner l’invitation. L’entreprise américaine se dit prise à partie par l’invitation des élus québécois.

« Nous sommes […] convaincus qu’un projet de loi concernant l’ensemble de l’industrie nécessite justement la contribution de l’ensemble de l’industrie, et non pas d’une seule plateforme », a écrit la responsable des politiques publiques pour Airbnb, Camille Boulais-Pretty.

Caroline Proulx « pas surprise »

Le site d’hébergement à court terme est dans la tourmente depuis qu’il a été révélé ce printemps que plusieurs de ses annonces ne respectaient pas la loi. Mardi après-midi, Caroline Proulx a dit ne pas être « tombée en bas de [sa] chaise » en apprenant qu’Airbnb brillerait par son absence lors des consultations particulières. « Les surprises dont je suis témoin de la part d’Airbnb depuis quelques mois ne cessent de s’accumuler. Alors, je ne suis pas surprise », a-t-elle lancé en mêlée de presse.

En marge d’une rencontre avec la ministre caquiste, en mars, les représentants de la compagnie californienne avaient refusé de parler aux médias. « Pour le bénéfice des citoyens, puis de la commission, ça aurait été bien de les entendre », a reconnu Mme Proulx mardi.

Le refus de participer d’Airbnb est « regrettable », a pour sa part affirmé le chef libéral par intérim, Marc Tanguay, mardi. « Ils auraient dû être là parce qu’ils sont un acteur central, puis il y a beaucoup de questions que l’on veut leur poser. Ils auraient dû être là », a-t-il lancé. « Le fait qu’Airbnb joue la politique de la chaise vide témoigne de son mépris pour les institutions démocratiques québécoises et pour l’ensemble des Québécois », a ajouté le député du Parti québécois Joël Arseneau dans une déclaration écrite.

L’élu de Québec solidaire Étienne Grandmont étudie quant à lui les options à sa disposition pour forcer Airbnb à répondre aux interrogations des parlementaires. « Je suis vivement déçu de l’absence d’Airbnb en commission parlementaire ce matin. C’est un manque de respect de refuser de venir répondre aux questions des élus sur un projet de loi qui les concerne directement », a-t-il ajouté mardi.

Changement à la loi

Depuis l’an dernier, il est obligatoire de se procurer un numérod’enregistrement auprès du gouvernement du Québec pour effectuer une location à court terme. En mars, Airbnb avait accepté de retirer de son site l’ensemble des appartements ne respectant pas cette obligation. Une enquête du Devoir avait cependant révélé qu’il est très aisé de mettre en ligne une annonce portant un numéro d’enregistrement fictif, « 123456 », par exemple.

En déposant un nouveau projet de loi au début du mois, Caroline Proulx souhaitait forcer les plateformes comme Airbnb à s’assurer de la légalité de l’ensemble des annonces qu’elles abritent. « Ça va être [leur] job de vérifier tout ça », avait-elle dit en conférence de presse.

Le projet de loi 25 prévoit obliger tout établissement de location à court terme à se doter d’un « certificat d’enregistrement » indiquant notamment l’adresse et le nombre de logements qu’il abrite, et à l’afficher publiquement. S’il est adopté tel quel, il obligera les plateformes numériques d’hébergement à dresser des portraits clairs de leur parc locatif, lesquels seront révisés par le gouvernement.

Selon Airbnb, ces mesures ne tiennent pas la route. « Aucune juridiction dans le monde n’exige la vérification manuelle d’un certificat d’enregistrement délivré par le gouvernement. Ce système confie une responsabilité d’ordre public à des organisations privées », a déploré l’entreprise dans son mémoire. « L’application de la loi est et doit rester une responsabilité publique. »

Elle demande à Québec de maintenir le statu quo en la laissant supprimer les annonces jugées non conformes plutôt que de l’obliger à les vérifier individuellement.

Les consultations concernant le projet de loi 25 se poursuivent mercredi à l’Assemblée nationale.



À voir en vidéo