La Loi sur les personnes dangereuses en raison de leur santé mentale sera revue

Le ministre Lionel Carmant souhaite dresser un état des lieux concernant l’application de cette loi, 25 ans après son entrée en vigueur.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre Lionel Carmant souhaite dresser un état des lieux concernant l’application de cette loi, 25 ans après son entrée en vigueur.

Québec cherche à raffiner l’un des outils qui font en sorte qu’une personne dangereuse en raison d’un état mental instable peut être soumise à une garde préventive contre son gré.

Cet outil, c’est la loi P-38, intitulée Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, dont le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé mercredi une révision en profondeur. « Depuis toujours, on entend les mêmes plaintes, et je crois que la prochaine étape, c’est l’étape actuelle. […] C’est le bon moment pour le faire », a-t-il affirmé.

La loi P-38 ne relève pas du Code criminel et est complètement distincte des démarches de la Commission d’examen des troubles mentaux utilisées pour évaluer, notamment, la possibilité de remise en liberté des personnes ayant posé des gestes criminels pour lesquels ils ont été reconnus non criminellement responsables. La question de l’évaluation de ces personnes, dont celle trouvée non criminellement responsable d’actes violents à cinq reprises qui a assassiné la policière Maureen Breau en mars dernier à Louiseville, relève d’une autre loi, bien qu’elle touche également à la libre circulation ou non de personnes dangereuses en raison de leur état mental.

Pour éviter la plainte criminelle

En ce qui concerne la loi P-38, celle-ci peut, par exemple, être invoquée dans le cas où un individu aurait fait des menaces de mort à un proche qui ne souhaite pas porter plainte au criminel. L’individu en question peut alors être conduit contre son gré à l’hôpital en garde préventive et soumis à une évaluation psychiatrique de 72 heures qui déterminera s’il doit demeurer en observation ou en détention à l’hôpital.

La révision de cette loi a été confiée à l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice. Son président, Pierre Noreau, a dit croire qu’il faudrait au moins 18 mois, sinon davantage, pour que les experts mandatés puissent analyser l’abondante littérature de recherche liée à l’application de la loi avant de mener ensuite des consultations auprès d’experts, de juristes et d’autres intervenants impliqués.

Pour M. Noreau, il faut « prendre le temps qu’il faut » puisque le groupe de travail amorce sa démarche sans idées préconçues. « On ne tient pas pour acquis que la loi P-38 est nécessairement mauvaise. La question, c’est souvent comment les lois sont mises en oeuvre. On ne peut pas improviser des amendements à une loi sur le coin d’une table. »

« Un équilibre délicat »

Lionel Carmant reconnaît qu’assurer la protection du public tout en respectant les droits représente « un équilibre délicat » à atteindre. « La finalité de cette loi, c’est d’assurer la sécurité des personnes dont l’état mental présente un danger, mais aussi de bien encadrer le recours à cette mesure d’exception », dit-il.

La révision de la loi P-38 est accueillie « avec beaucoup d’espoir » par le réseau Avant de craquer, qui représente une cinquantaine d’associations de familles en santé mentale. Dans un communiqué publié en marge de cette annonce, le regroupement rappelle que les familles des personnes atteintes de troubles graves de santé mentale « doivent souvent faire une démarche judiciaire pour obtenir une garde en établissement, en espérant que cela donne un accès rapide aux soins », mais que si ces personnes ne présentent pas un danger grave et immédiat et refusent des soins, « elles sont retournées à la maison ». « Cette situation accentue la détresse et nourrit les tensions familiales. »

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