Fitzgibbon revient à la charge avec la sobriété énergétique

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas exclu, jeudi, la possibilité de présenter d’ici la fin de l’année un projet de loi qui inciterait les clients d’Hydro-Québec à démarrer leur lave-vaisselle la nuit pour profiter de tarifs plus avantageux.
En décembre, M. Fitzgibbon avait déjà formulé cette intention mais le premier ministre François Legault avait ensuite affirmé que cette hypothèse ne serait pas envisagée à court terme.
Jeudi, lors de l’étude des crédits du ministère de l’Énergie, M. Fitzgibbon a donné à deux reprises l’exemple des pressions qu’exerceraient des clients d’Hydro-Québec s’ils décidaient de recharger leur voiture électrique dans les périodes où la consommation atteint une pointe.
« Il va falloir être novateurs dans notre façon de consommer parce que si tous ces véhicules se chargent à cinq heures le soir, il va y avoir des problèmes de puissance et ça ne marchera pas », a-t-il déclaré en commission parlementaire.
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Appelé à préciser sa pensée sur le sujet, M. Fitzgibbon a affirmé qu’un projet de loi attendu cet automne pourrait inclure des aspects qui touchent les tarifs résidentiels, après une période de consultation.
« Il y a beaucoup de gens qui vont nous recommander une modulation de la tarification pour s’assurer que les comportements soient ajustés selon les besoins. L’enjeu numéro un, si les gens ne veulent pas se faire dire qu’on va augmenter les tarifs d’électricité, peut-être qu’on peut les réduire pour les gens qui consomment mieux. »
M. Fitzgibbon a précisé l’exemple des lave-vaisselle qu’il avait utilisé en décembre.
« Le lave-vaisselle est un bon exemple, si t’es capable d’avoir un timer sur ton lave-vaisselle et que tu consommes à deux heures du matin, tu vas payer moins cher », a-t-il dit.
En janvier, M. Legault avait affirmé que le projet de loi attendu à l’automne n’aborderait que la tarification des entreprises.
Jeudi, M. Fitzgibbon a expliqué que la modulation des tarifs résidentiels pourrait également être abordée dans ce texte législatif.
« On a mis sur la table le commercial, le résidentiel et l’industriel, on a tout mis sur la table », a-t-il dit.
M. Fitzgibbon a affirmé que l’augmentation des exigences en efficacité énergétique, qui ont été haussées de 8 TWh à 25 TWh récemment, fait en sorte qu’il faut agir.
« Il va falloir que les comportements suivent. Est-ce qu’il faudra une tarification modulée pour encourager les comportements ? Peut-être. Mais c’est sûr qu’il faut faire attention. »
Le cabinet du ministre a ensuite indiqué qu’une modulation n’entraînerait pas une hausse des tarifs actuels mais plutôt une baisse pour encourager la consommation hors des périodes de pointe.
Gérer la demande
Dans le contexte où Hydro-Québec est confrontée à la fin des surplus d’électricité et à une croissance de la demande de 25 TWh d’ici 2032, M. Fitzgibbon a affirmé qu’il avait récemment dû refuser 17 projets de raccordement déposés par des entreprises.
« Techniquement, Hydro-Québec ne pouvait pas les connecter », a-t-il dit.
M. Fitzgibbon dévoilera la semaine prochaine des critères de sélection en vertu desquels les demandes de plus de 5 MW seront traitées. Le ministre a affirmé que les coûts pour Hydro-Québec, l’impact économique et régional, et la réduction des gaz à effet de serre seront parmi les éléments considérés par le gouvernement pour répondre aux 74 projets d’entreprises qui souhaitent actuellement obtenir de l’énergie au Québec.
M. Fitzgibbon s’est montré confiant de pouvoir ajouter entre 6000 MW et 10 000 MW d’énergie éolienne à la capacité d’Hydro-Québec d’ici 2030.
En campagne électorale, le premier ministre François Legault a affirmé qu’il souhaitait relancer la construction de barrages hydroélectriques pour ajouter d’ici 2050 100 TWh, soit la moitié de la capacité d’Hydro-Québec actuelle. Ce projet devait répondre aux demandes des entreprises et assurer la transition énergétique vers la carboneutralité.
En commission parlementaire pour l’étude des crédits de la société d’État, M. Fitzgibbon a affirmé que les discussions étaient toujours en cours avec Terre-Neuve-et-Labrador, afin de renouveler l’entente d’approvisionnement de la centrale de Churchill Falls qui arrive à échéance en 2041.
« C’est un travail colossal », a-t-il dit sans rentrer dans les détails.
La vice-présidente au développement durable et aux relations avec les communautés, Julie Boucher, a indiqué que des analyses préliminaires ont commencé pour déterminer le potentiel d’un barrage hydroélectrique sur la rivière Petit Mécatina.
« Quand on fait une étude préliminaire, on n’arrive pas sur le terrain, dans une communauté, avec une bétonnière mais plutôt avec des éprouvettes », a-t-elle dit.
Le vice‑président à la planification intégrée des besoins énergétiques et des risques, Dave Rhéaume, a reconnu l’impact d’importants contrats d’exportation vers les marchés des états de New York et du Massachusetts sur la situation énergétique québécoise.
Les ententes ne prévoient pas de livraison d’énergie en période de pointe au Québec, a-t-il précisé, en reconnaissant que cela devance tout de même la pression sur Hydro-Québec.
« Dans les deux cas, ce sont des volumes d’énergie importants, donc ça nous met une pression plus tôt que si on n’avait pas ces ententes-là pour ajouter de la production d’énergie », a-t-il dit.
Pannes et enfouissements
À la suite de l’importante panne d’électricité qui a privé des abonnés d’électricité pendant des périodes qui sont allés jusqu’à une semaine, dans certains cas, en avril, Mme Boucher a souligné qu’il faudra s’habituer à ce type de situation en raison des changements climatiques.
Depuis 1987, cinq des 15 événements majeurs causant des pannes ont eu lieu après 2019, a-t-elle expliqué.
« Je ne veux pas être un oiseau de malheur cet après-midi, mais certainement qu’il faut se préparer et s’assurer qu’on anticipe qu’il puisse y avoir des pannes. On va tout faire pour qu’elles soient les moins nombreuses possible, les moins longues possible. Mais il faut aussi comme client, propriétaire d’entreprise et communauté se préparer à cette éventualité. »
Régis Tellier, vice-président aux opérations et à la maintenance, a affirmé que l’enfouissement des fils électriques, un enjeu qui a refait surface au moment de ces importantes pannes, est une option coûteuse et complexe. Actuellement 11 % du réseau, reliant 600 000 clients, est enfoui sous terre.
« On voudrait le doubler et l’augmenter, mais ça coûterait entre 8 et 10 milliards à l’ensemble des Québécois pour peut-être environ 500 000 clients, parce que plus on avancerait moins il y aurait de clients de brancher, en termes de densité, sur le réseau », a-t-il dit.
M. Tellier a expliqué que l’endroit où sont plantés les arbres, sur les terrains résidentiels, est susceptible d’avoir le même résultat mais à un coût inférieur à l’enfouissement.
« Derrière chez-moi, où est ma ligne de distribution, j’ai planté un lilas parce que ça arrête à trois, quatre mètres de hauteur, a-t-il dit. L’érable, je l’ai planté en avant de chez moi parce qu’un érable argenté, comme dans le temps de la dernière crise à Montréal, avec le verglas, même à 20 ou 30 pieds de notre servitude, il est tombé sur l’infrastructure et a généré une panne. »