Le Conseil national des musulmans se braque devant l’interdiction des locaux de prière dans les écoles

La décision du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, d’interdire les locaux de prière dans les écoles publiques du Québec est mal accueillie par le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), qui, à ce stade-ci, n’écarte pas la possibilité d’une poursuite.
« L’école, ce n’est pas un lieu de prière. Ce n’est pas compliqué », a souligné le ministre Drainville, mercredi, en réaction aux deux écoles secondaires de Laval qui ont aménagé des locaux pour que leurs élèves puissent y faire la prière. « Je ne peux pas interdire la prière. J’interdis les salles de prière dans les salles de classe. Maintenant, si quelqu’un veut prier silencieusement, c’est son droit fondamental. » Le cabinet de M. Drainville a précisé que la directive s’appliquerait à toutes les salles et à tous les locaux d’une école.
Cette décision du ministre suscite la consternation du président-directeur général du CNMC, Stephen Brown. « Je suis totalement d’accord que l’école est un endroit laïque, affirme-t-il en entrevue. Mais c’est l’institution qui est laïque. Les individus ne le sont pas. Si quelqu’un veut prier au lieu d’écouter de la musique ou jouer au basketball, ça lui appartient. »
M. Brown affirme que son organisation est en train « d’évaluer la situation » et qu’elle n’écarte pas la perspective d’une poursuite contre le gouvernement. « Si ça s’avère que c’est une situation discriminatoire pour la communauté [musulmane], on va prendre les mesures nécessaires pour défendre les droits des personnes », clame-t-il.
M. Brown s’inquiète de la possibilité que le ministère envoie des directives aux écoles pour leur demander de « surveiller la pratique religieuse ou spirituelle » des élèves, une méthode qui serait, selon lui, « très problématique ».
Stephen Brown souligne également que cet événement survient en plein mois de ramadan, ce qui n’est pas un hasard, selon lui. « Souvent, durant ce mois, les musulmans vont avoir une approche plus spirituelle à la vie, ils vont prier plus souvent, vont jeûner », explique-t-il.
« L’expression personnelle de sa spiritualité ne devrait pas poser problème à qui que ce soit, ajoute-t-il. Le gouvernement a la responsabilité de promouvoir le vivre-ensemble et de ne pas exacerber la division. Pas seulement le gouvernement, d’ailleurs, mais tous les politiciens. »
La directive du ministre Drainville en réjouit toutefois plusieurs, dont Nadia El-Mabrouk, présidente du Rassemblement pour la laïcité. « On peut bien appeler ça centre de ressourcement, mais on détourne les mots, lance-t-elle. C’est berner le monde, on sait bien que c’est juste pour les musulmans. »
De tels locaux contreviennent à la neutralité religieuse de l’État, souligne-t-elle, et peuvent accentuer une « pression communautaire exclusive » tout en « alimentant la radicalisation religieuse ».
Local « non confessionnel »
Le centre de services scolaire de Laval, où ont été mis en place les locaux de prière, soutient que des jeunes priaient dans des aires communes, comme des stationnements ou des espaces réservés à des sorties de secours, « ce qui constituait un enjeu de sécurité ».
« Le recueillement devait se faire de façon individuelle et aucune animation spirituelle ou religieuse du local n’était permise. Ce local était non confessionnel », précise par courriel Annie Goyette, directrice adjointe au secrétariat général et service des communications du centre de services scolaire de Laval, en parlant de l’école secondaire Mont-de-La Salle. Il a été mis en place vendredi midi dernier et était ouvert aux garçons comme aux filles.
« Le local était surveillé en tout temps par un adulte. Depuis lundi, un membre de la direction était également présent pour surveiller le local », poursuit Mme Goyette.
L’autre école concernée était l’École d’éducation internationale de Laval, mais Mme Goyette indique qu’« aucun local de recueillement n’est accessible présentement » dans cette école.
Le centre de services scolaire de Laval a indiqué qu’il se conformerait aux directives du ministre. Le cabinet de M. Drainville n’a pas été en mesure de fournir ladite directive, mercredi, car celle-ci n’avait pas encore été envoyée.
Les oppositions réagissent
Mercredi, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la motion du député péquiste Pascal Bérubé — déposée conjointement avec le ministre de l’Éducation — selon laquelle « la mise en place de lieux de prière, peu importe la confession, dans les locaux d’une école publique, va à l’encontre du principe de laïcité ».
« Il revient au ministre Drainville d’établir une directive avec des balises claires qui assurera que les principes de laïcité de l’État, d’égalité homme-femme et de liberté de religion soient respectés », a pour sa part affirmé la députée libérale Marwah Rizqy.
« Mais des lieux de ressourcement, de méditation, multiconfessionnels, ouverts aux gens qui sont sans confession également, ouverts aux hommes, aux femmes et qui ne prennent pas des locaux prévus pour la mission scolaire de l’école, on n’a aucun problème avec ça », a déclaré le député solidaire Alexandre Leduc.