Pas d’enquête publique sur la tragédie… pour l’instant

L’incendie du 16 mars dans le Vieux-Montréal a fait sept morts et neuf blessés.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L’incendie du 16 mars dans le Vieux-Montréal a fait sept morts et neuf blessés.

Malgré des requêtes en ce sens des trois partis d’opposition, le gouvernement du Québec ne demandera pas au Bureau du coroner de lancer une enquête publique sur l’incendie qui a fait sept morts et neuf blessés dans un édifice du Vieux-Montréal, à la mi-mars.

Le cabinet du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, dit se fier aux enquêtes en cours, soit celle du Service de police de la Ville de Montréal et celles — non publiques — de la coroner Géhane Kamel. Le Bureau du coroner soutient, lui, qu’il est « trop tôt pour se prononcer » à ce sujet.

« Nous suivons de près l’évolution du dossier et devons laisser les autorités faire leur travail », a indiqué le cabinet du ministre Bonnardel au Devoir, jeudi.

À Québec, pourtant, les trois partis d’opposition se disent favorables au déclenchement d’une enquête publique, qui permet à un coroner d’entendre une multitude de témoins et d’experts lors d’audiences publiques — le nom le dit —, et d’éclaircir les circonstances entourant un ou plusieurs décès. Un tel outil avait notamment été utilisé pour faire la lumière sur les milliers de décès constatés dans les CHSLD durant la pandémie ou encore pour se pencher sur les meurtres des petites Norah et Romy Carpentier par leur père, à Saint-Apollinaire.

« Les familles endeuillées ont le droit de savoir ce qui s’est réellement passé », a indiqué la députée libérale et porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, Jennifer Maccarone, lorsqu’interrogée sur l’incendie du 16 mars dans le Vieux-Montréal. « C’est pourquoi nous réclamons une enquête publique pour connaître les failles [et] pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. »

« Il faut absolument aller au fond de l’affaire », a ajouté l’attachée de presse de Québec solidaire Sandrine Bourque, tout en confirmant l’appui du parti à une telle démarche.

Selon l’élu du Parti québécois Joël Arseneau, critique en matière de sécurité publique, le contexte entourant le drame, qui a sévi dans un édifice patrimonial abritant plusieurs unités illégales de location à court terme, ne fait qu’ajouter à la nécessité d’aller de l’avant.

« L’ampleur de cette tragédie […] ainsi que le débat public que cela a engendré au sujet de l’hébergement illégal et l’application des règles de sécurité incendie [justifient qu’]on fasse toute la lumière sur les événements au moyen d’une enquête publique du coroner », a affirmé M. Arseneau.

« Pas exclu »

Au Québec, deux personnes seulement peuvent demander une enquête de ce type : la coroner en chef et le ministre de la Sécurité publique. Contacté par Le Devoir, le Bureau du coroner a souligné jeudi qu’il « n’est pas exclu qu’une enquête publique puisse être ordonnée par la coroner en chef selon l’évolution du dossier ».

« La Loi sur les coroners prévoit que “si, au cours ou à la suite de son investigation, le coroner est d’avis qu’une enquête serait utile, il en fait aussitôt la recommandation au coroner en chef en exposant ses motifs” », a écrit le responsable des communications du Bureau du coroner, Jake Lamotta Granato.

Or, l’incendie fait toujours l’objet d’investigations par la coroner Kamel, a-t-il rappelé. En temps et lieu, « la coroner rédigera des rapports détaillés dans lesquels elle exposera les causes et les circonstances qui ont mené aux décès. Elle peut également formuler des recommandations visant à éviter des décès semblables », a affirmé M. Lamotta Granato.

Le Bureau du coroner avait déclenché une enquête publique en 2014, lorsqu’un incendie avait enlevé la vie à 32 locataires de la résidence pour personnes âgées du Havre, à L’Isle-Verte. Dans son rapport, élaboré après avoir entendu une cinquantaine de témoins, le coroner et commissaire aux incendies du Québec Cyrille Delâge avait déploré qu’« on ne prend souvent la sécurité incendie au sérieux qu’au lendemain de grands désastres ». « Et, on sait que la mémoire est une faculté qui oublie », avait-il écrit.

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