Québec veut fixer à 14 ans l’âge minimal pour travailler

Le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, a déposé mardi un projet de loi pour fixer à 14 ans l’âge minimal pour travailler, sauf exception. L’Association Restauration Québec déplore l’absence de flexibilité envers son industrie.
Avec le projet de loi 19, M. Boulet souhaite favoriser la persévérance scolaire des jeunes dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. « C’est la relève de demain », a-t-il dit, en soulignant qu’il fallait s’assurer de protéger leur intégrité « physique et psychique ». Les accidents du travail touchant les Québécois de moins de 16 ans ont bondi de 36 % en 2021.
Dès le 1er septembre prochain, Québec veut aussi restreindre à 17 le nombre d’heures hebdomadaires de travail chez les jeunes âgés de 14 à 16 ans durant l’année scolaire. Les heures travaillées entre le lundi et le vendredi seraient limitées à 10.
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Des exceptions sont prévues à l’interdiction de travailler avant l’âge de 14 ans, notamment pour le gardiennage, les colonies de vacances, la livraison de journaux et le tutorat. Il sera aussi possible pour l’enfant du propriétaire d’une entreprise de travailler en son sein si elle compte moins de 10 employés. « Ces exceptions-là sont véritablement le prolongement de la vie familiale et scolaire des enfants », a expliqué M. Boulet. Selon lui, elles comportent aussi peu de risques pour leur santé et leur sécurité au travail.
Contrairement à d’autres provinces canadiennes, le Québec n’impose actuellement pas d’âge minimal pour travailler. Il est donc possible de le faire avant 14 ans avec une autorisation parentale. Pour une personne de 16 ans et moins sans diplôme, il est interdit de se rendre au travail durant les heures de classe.
Très attendu, le texte législatif reprend les grandes lignes du rapport du Comité consultatif du travail et de la main-d’oeuvre, rendu public en décembre dernier.
Questionné à savoir pourquoi aucune exception n’est prévue pour les restaurants ou les commerces de détail, Jean Boulet a soutenu qu’il s’agissait d’environnements « à risque » pour les accidents de travail chez les enfants.
Le milieu de la restauration « déçu »
« On a une grande difficulté avec la limite d’âge qui est fixée et qui ne permet aucune flexibilité pour notre industrie », a affirmé Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec. Il craint des répercussions négatives — comme une possible réduction des heures d’ouverture — étant donné que bon nombre de Québécois de moins de 14 ans travaillent dans les restaurants.
En entrevue avec Le Devoir, il soutient toutefois qu’un meilleur encadrement du travail des jeunes est nécessaire. M. Vézina est donc favorable à la limite de 17 heures de travail par semaine pour les jeunes âgés de 14 à 16 ans. « C’est là-dessus qu’on aurait bâti, a-t-il dit. C’est ce qui fait qu’on peut toujours allier la réussite scolaire avec un emploi rémunéré. »
Restreindre le nombre d’heures travaillées permettra de favoriser le parcours scolaire des jeunes, a souligné Roxane Larouche, porte-parole du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC). « L’idée est de les garder à l’école, mais de leur donner les outils et les meilleures dispositions possibles pour atteindre la réussite scolaire. »
La stratégie pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre ne doit pas reposer sur le travail des enfants, ajoute Mme Larouche. Cette dernière a d’ailleurs salué le volet du projet de loi 19 visant à imposer un âge minimal pour pouvoir travailler.
L’opposition salue le projet de loi
À l’Assemblée nationale, le député solidaire Alexandre Leduc s’est dit satisfait du texte législatif de M. Boulet. « On a bien fait de ne pas lâcher le morceau et de talonner le ministre du Travail afin que le projet de loi ne comporte pas d’exceptions inacceptables pour le travail des enfants », a-t-il soulevé.
Du côté du Parti québécois, le député Joël Arseneau a affirmé qu’il s’agissait d’un pas « dans la bonne direction pour éviter les enjeux de santé-sécurité que l’on connaît chez les jeunes travailleurs ».
Le projet de loi était très attendu en raison de la hausse marquée des accidents de travail observée chez les jeunes, a dit la porte-parole libérale en matière de travail, Madwa-Nika Cadet. « Il est grand temps de rattraper la grande majorité des autres provinces en imposant un âge minimum et un nombre maximum d’heures travaillées pour prévenir le décrochage scolaire », a-t-elle ajouté.